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Par Etienne Crémille
Le néolibéralisme, initié par Ronald Reagan et Margaret Thatcher au début des années 1980, est un système à l’origine de la mondialisation, de la libre circulation des capitaux, des marchandises, des entreprises, un monstre qui, tel Frankenstein, a échappé à ses créateurs.
Le programme d’Emmanuel Macron est ultralibéral ! « Macron, c’est Thatcher avec 40 ans de retard. Lui et son équipe, ce sont une bande de vieux hommes déguisés en jeunes. » (2) Dans ce système, il n’y a plus d’êtres vivants. Il n’y a plus que des produits, des animaux, des végétaux, que l’on entasse, que l’on transporte, que l’on vend, avec lesquels on spécule.
La croissance en est le mythe absolu et les conséquences en sont la privatisation des services publics, l’accaparement des biens communs, la destruction des tissus sociaux, l’accroissement des inégalités sociales, la démesure des transports de marchandises, l’accélération du réchauffement climatique, la perte d’habitabilité de notre planète Terre, l’entraînement du monde vers toute une série de situations chaotiques. Le néolibéralisme est
une religion qui s’avère la pire de toutes celles que les hommes ont pu créer depuis la nuit des temps, une religion toxique qui aveugle les dirigeants et détruit toute espoir de Vie.
D’innombrables lobbies s’agitent pour s’opposer à toute modification du système économique actuel pourtant largement dénoncé comme la cause majeure de la destruction d’emplois, du creusement des inégalités, du saccage des paysages, de dommages écologiques graves dépassant les limites planétaires, en un mot d’écocides. Des responsables politiques favorisent hélas les lobbies au lieu d’œuvrer pour le bien commun.
¤ L’actuel ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, Marc Fesneau, a fait une grande partie de sa carrière dans la Chambre d’agriculture du Loir et Cher laquelle soutient, comme la majorité des Chambres et le syndicat majoritaire la FNSEA, l’agriculture industrielle dont on sait qu’elle est émettrice de gaz à effets de serre et destructrice de la biodiversité et des équilibres biologiques. Le ministre a notamment apporté en octobre 2022 un soutien inconditionnel aux super-bassines projetées en région « Nouvelle Aquitaine », d’immenses réserves d’eau à ciel ouvert dont l’alimentation sera assurée par des pompages dans les nappes phréatiques ou dans les cours d’eau durant la période hivernale et destinées à l’arrosage de productions de cultures industrielles tel le maïs. Il défend le modèle productiviste prôné par tous les lobbies agricoles et agrochimiques et il proclame en janvier 2023 : « Ce n’est pas la décroissance qui doit s’imposer. » Pour lui aussi, Vive la croissance !
¤ Le nouveau ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des Territoires depuis juillet 2022, Christophe Béchu, est un homme politique sans expérience dans la moindre lutte écologiste. Il est même connu pour s’être illustré en 2016,alors qu’il était sénateur, par son opposition à l’interdiction des néonicotinoïdes tueurs d’abeilles. Lors d’une conférence fin janvier 2023, il vient d’exposer la nécessité d’anticiper une trajectoire du réchauffement climatique à +4°C d’ici à 2100 alors que la COP27 a signé un accord pour limiter à +1,5 °C. Le ministre fait ainsi le choix d’adapter la France à la pire des trajectoires plutôt que d’examiner les « vraies » solutions, celles qui existent, qui sont connues, et de prendre en conséquence de réelles mesures pour lutter contre le réchauffement climatique, ce qui est quand même le rôle d’un responsable politique dans les circonstances actuelles.
Des transferts du domaine public vers les entreprises privées sont fréquents. Des personnalités ont montré une démarche choquante, passant du public au privé.
¤ Ainsi, Eléonore Leprettre, ex-cheffe de cabinet de Marc Fesneau qui était alors ministre déléguée chargée des Relations avec le Parlement et qui est l’actuelle ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, a-t-elle quitté son poste en juin 2022 pour rejoindre Phytéis, la nouvelle appellation depuis février 2022 de l’UIPP, l’Union des industries de la protection des plantes. Phytéis, un nouveau nom pour brouiller les cartes, est un lobby qui regroupe 19 entreprises agrochimiques, dont notamment BAYER (qui a fait l’acquisition de Monsanto), BASF, syngenta, fournisseuses de produits « phytopharmaceutiques » à usage agricole, une expression trompeuse pour désigner les « pesticides » utilisés en agriculture. Il s’agit bien d’utiliser « pesticides » pour désigner les toxiques épandus, 44% d’herbicides, 28% de fongicides, 12% d’insecticides, formés du suffixe -cide qui vient du latin cida signifiant tuer et de l’anglais pest signifiant nuisible ainsi que du latin pestis pour maladie contagieuse.
¤ De même aussi, Anne-France Mattlet, haute fonctionnaire alors adjointe au chef du bureau de la direction de la Direction des pêches maritimes et de l’aquaculture (DPMA) est-elle en charge depuis avril 2022 de la révision du système de contrôle de la pêche européenne, notamment thonière, au sein du principal lobby européen de la pêche, Europêche, le promoteur de la pêche industrielle qui pille les Océans, qui racle les fonds marins avec des chaluts de fond et des filets maillant dérivants jusqu’à l’extermination de tous les poissons.
Pour sortir du cycle infernal de la croissance et pour créer les conditions de la Vie sur une planète habitable, des centaines de propositions judicieuses, ingénieuses, des milliers d’idées nouvelles, des actions novatrices, sont initiées par des associations, des lanceurs d’alerte, des journalistes, des écrivains, dans tous les domaines de l’activité humaine.
¤ Le psychanalyste Roland Gori se bat depuis des années contre le délitement de notre société. Il a lancé en 2008 « l’Appel des appels » pour dénoncer un phénomène idéologique destiné à araser l’humain au profit des logiques comptables et marchandes, réunissant des professionnels opposés à l’idéologie destructrice de la norme et de la performance. « Les métiers du soin, du social, de l’éducation, de la culture sont gérés par des managers ou des experts pour qui seuls comptent les chiffres, niant les besoins humains. » Il a publié de très nombreux ouvrages dont le livre « La fabrique de nos servitudes » en janvier 2022 et il a réalisé en juin 2022 le film « Une époque sans esprit » qui présente un tableau de sa pensée.
¤ L’avocat pénaliste et écrivain Abel Quentin a été récompensé par le prix de Flore 2021 pour son roman sur le chaos moderne « Le voyant d’Etampes » dans lequel il est question du danger que représentent les algorithmes en train de nous rendre complètement « cons » car chaque utilisateur se voit proposer sur les réseaux sociaux des contenus conformes à ses propres préjugés, ce qui participe à sa radicalisation, quel que soit son camp.
La croissance n’est qu’un moment de l’Histoire des hommes ! En janvier 2023, il a publié dans Marianne un article dont le titre est : »Leur obsession de la croissance a cessé d’être raisonnable, elle a dégénéré en culte« . Il est démontré que la poursuite illimitée de la croissance est une drogue mortifère et que ses effets délétères se déploient sous nos yeux. La ralentir volontairement est considéré comme une lubie de doux dingue par la plupart des responsables politiques. Remettre en question ses vertus ferait de vous un fou, ou un abruti.
¤ Partout, des centaines de lutte sont menées avec acharnement par des citoyens, des paysans, des écologistes, des syndicalistes contre des projets imposés, inutiles et polluants.
– L’association BLOOM se bat pour la préservation de la biodiversité des habitats marins et du climat, pour le bien commun, en inventant un lien durable et respectueux du vivant entre les humains et la mer. Elle a été fondée en 2005 par Claire Nouvian qui déclare en janvier 2019 au journal Causette : « Nous vivons dans un monde de fous furieux. » En effet, les océans sont exsangues. Ils sont surexploités, pollués, dévastés par des méthodes de pêche destructrices, méthodiquement vidés de leurs extraordinaires richesses.
– La FADEAR, Fédération Associative pour le Développement de l’Emploi Agricole et Rural, est un organisme de formation certifié dont les réseaux se sont construits autour de la Charte de l’Agriculture paysanne et autour de la formation de paysan.ne.s et de militant.e.s qui aboutira à la création du syndicat Confédération paysanne en 1987.
– Terre de Liens, un autre acteur né dans la Drôme en 2003, est un assemblage de membres de la société civile, du monde agricole et de la finance solidaire. C’est une fondation reconnue d’utilité publique qui acquiert des terres agricoles et installe une nouvelle génération paysanne sur des fermes en agriculture biologique, qui recrée du lien entre paysans et citoyens, tout en favorisant la biodiversité et le respect des sols. Terre de Liens, c’est aujourd’hui 300 fermes, 700 paysan·ne.s installés, 8000 hectares préservés !
¤ De plus en plus d’associations, de collectifs, d’individus, vont désormais beaucoup plus loin et agissent directement « sur le terrain » en luttant contre les techno-solutions à l’œuvre dans de grands projets inutiles et dévastateurs qui prolifèrent et sont en cours de réalisation en France (aéroports, fermes-usines, barrages, entrepôts, centres commerciaux…). Près de 400 luttes sont menées en France par autant de collectifs d’habitant-e-s déterminés.
– Soulèvements de la Terre est un collectif informel qui a vu le jour en janvier 2021 autour d’un constat commun, l’accaparement et l’empoisonnement des terres agricoles par l’agro-industrie et leur bétonisation par des projets d’urbanisme. Il lutte contre le système agricole hors-sol actuel qui nous fait « perdre ce lien indissociable de l’humain à la Terre ».
– Terres de lutte est une association créée en 2021 pour donner des outils destinés à s’organiser, communiquer, lancer des recours en justice, travailler en bonne intelligence avec un réseau d’alliés, afin d’amplifier et coordonner des luttes qui se mènent sur tout le territoire.
La lutte s’avère rude pour aller à l’encontre de lobbies qui œuvrent à tuer la vie sur Terre. Avec beaucoup de ténacité, de nombreuses victoires ont été gagnées ces dernières années.
Léon-Etienne CREMILLE – 13 février 2023