60- Faverolles – Saint-Juéry

Written by Claude CAMILLI

Faverolles – Saint-Juéry

29 août 2019

Voici une vidéo retraçant la 60 ème étape d’un cheminement à travers la France, de la frontière allemande au nord de Strasbourg à, ( peut-être un jour!), la frontière espagnole au sud de Perpignan. Dans cette longue marche, mon attention se porte en premier lieu sur les paysages, leur protection et leur reconquête éventuelle ainsi que sur la biodiversité et sa reconquête.

Dans cette étape je croise un jeune chevreuil, puissant et magnifique qui escalade la prairie sous mes yeux. Je traverse le site des Gorges et vallée ennoyée de la Truyère Garabit-Grandval sur le territoire du Cantal et de la Lozère qui fait partie du Parc naturel régional de l’Aubrac. Saint-Juéry est un beau village de Lozère avec ses châteaux.

Voici le texte de cette vidéo:

C’est au petit jour, presque de nuit que je quitte le camping et tourne le dos à Faverolles. Le jour se lève tout doucement alors qu’une brume bleutée  enveloppe de mystère arbres et bêtes et que le ciel, progressivement, m’offre mauves et roses les plus secrets et les plus tendres. Ma joie est totale, proche de l’exaltation quand j’avance sur  la route déserte, regard perdu vers  l’horizon brumeux qui annonce l’énigmatique terre d’Aubrac, attentive aux moindres craquements. Soudain justement, la course folle d’un animal capte mon regard. Instant merveilleusement fugace : un jeune chevreuil, puissant et magnifique escalade la prairie et disparaît presque instantanément.

Le ruban violet de la route me conduit au hameau de la Clève dont les pierres basaltiques des vieilles masures sont colorées de jaune, de rouille et de carmin par les oxydes et les lichens. De vieilles carcasses rouillées et démolies enlaidissent la sortie du hameau.  Mais très vite le sentier dévale dans un paysage de grande beauté. Le lac du barrage de Grandval se dévoile en contrebas, émergeant de la brume. La pente se durcit, le sentier traverse des champs de bruyère, de genêts et de ronces, le regard plonge vers l’île de Chante-Dur et celle du Château plus près du Pont de Mallet. Ce site des Gorges et vallée ennoyée de la Truyère Garabit-Grandval sur le territoire du Cantal et de la Lozère fait l’objet d’une enquête publique relative au projet de son classement. Qu’il devienne un site classé le protégerait sans aucun doute.

La piste pénètre dans le Parc naturel régional de l’Aubrac et s’élève par une pente abrupte dans la forêt, laissant dans mon dos la vallée noyée de la Truyère et celle du Bès.

Un instant j’observe avec étonnement la vitalité et la puissance de ces champignons qui réussissent à soulever des pierres même lourdes.

La ferme de la Bessaire sur le plateau est encore plongée dans la brume. Je prends le temps d’échanger quelques mots avec le vieil homme penché sur son potager puis je repars sur une route charmante qui me réserve quelques belles surprises sorties de la brume : ce calvaire sculpté au pied duquel je me repose un instant, ce bouquet de hauts pins sylvestres aux troncs ocres et élancés et surtout ces toiles finement tissées, perlées de rosée, création fragile et magique, mortel et tentant piège de soie.

Le vaste plateau est traversé par une route elle aussi meurtrière : des milliers de sauterelles y trouvent la mort, écrasées sous les roues des tracteurs.

Et c’est ainsi que j’arrive à Barberange, aux portes de l’Aubrac, au seuil donc des grands espaces d’estive. Bienvenue, semble me dire cette belle vache à la robe fauve, aux cornes en lyre et aux oreilles au contour noir. Pas de doute, c’est une Aubrac !

Mais je suis encore loin des grandes étendues de cet Aubrac mythique. Le paysage est entaillé par un affluent du Bès, le ruisseau de Morouze aux environs de Maurines. Ce village est la patrie du docteur Louis Mallet, « combattant des deux guerres, médecin dévoué, résistant clairvoyant » dit le panneau. Un drame familial puisque ses deux fils et lui-même furent tués, alors que sa femme et sa fille, déportées, survécurent à cette période terrible et à ce triple deuil.

Le village de Morsange  qui se souvient du passage du Tour de France cet été, arbore fièrement sa bicyclette fleurie qui jouxte ce joli four à pain bien restauré mais resté en l’état à l’intérieur, comme d’ailleurs celui du hameau voisin Le Chazals. Daniel qui a peiné pour me retrouver finit par me rejoindre ici et nous allons pique-niquer un peu plus loin.

Je repars à travers prés et bois suivant de loin le tracé plein sud du Bès jusqu’à La Valette puis Saint-Juéry, Saint-Georges en patois, un beau village de Lozère bâti dans un méandre du Bès. Je m’octroie une halte méritée aux côtés de Daniel dans le bistro du coin. Deux châteaux se font face, chacun sur une rive du Bès, le château haut, alors en Auvergne et le château de Fontanges alors en Gévaudan. C’est dans ce dernier, encore appelé château de l’Isle que naquit Angélique de Scorrailles, demoiselle de Fontanges qui était réputée pour sa grande beauté, « la taille flexible de la jeunesse et un port de tête, une allure digne de séduire un roi. »

À l’époque où Angélique arrive à la Cour, Louis XIV est entouré de la gouvernante de leurs enfants, la marquise de Maintenon, et la favorite en titre d’alors, la marquise de Montespan. Cette dernière,  espérant détourner Louis XIV de Madame de Maintenon, lui présenta Angélique de Scorrailles alors âgée de dix-sept ans. Le roi en avait quarante.

Madame, la pétillante princesse Palatine, n’hésite pas à charger la jeune femme : «  Belle comme un ange, avec un cœur excellent, mais sotte comme un panier. » Décédée à l’âge de vingt ans, elle n’aura guère le temps de rester à la Cour.

Il fait beau, il n’est pas tard alors après un aller-retour en California pour repérer le camping de Fournels et faire quelques courses, je reprends le GR là où je l’ai laissé à Saint-Juéry et le poursuis pendant près de deux heures suivant des pistes à travers champs et forêts, la dernière portion étant en passe d’être goudronnée. Je retrouve Daniel qui a dû faire un grand détour pour me rejoindre à une intersection de chemins. Ce soir donc, nous passons la nuit dans le sympathique camping de Fournels.

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