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35- Meloisey-Nolay GR7
Côte d’Or 11 juin 2017
Voici une vidéo retraçant la 35 ème étape d’un cheminement à travers la France, de la frontière allemande au nord de Strasbourg à, ( peut-être un jour!), la frontière espagnole au sud de Perpignan. Dans cette longue marche, mon attention se porte en premier lieu sur les paysages, leur protection et leur reconquête éventuelle ainsi que sur la biodiversité et sa reconquête.
Lors de cette étape sur le GR7 en Côte d’Or, je poursuis ma marche à travers la région Bourgogne-Franche Comté. Il est question ici de mousses et de rhizoïdes, de chevreuil, de pelouse sèche à orchidées, de lichens, de la falaise de Baubigny et du Faucon pèlerin, de directive européenne Oiseaux et d’arrêté de protection de biotope, des plateaux des Hautes-Côtes de Beaune, d’Orches, village étoilé, labellisé protection du ciel et de l’environnement nocturne, de la fontaine du chêne, d’un accarien ectoparasite, Ixodida, des falaises de Cormot et du Bout du monde, et enfin de Cormot-le-Grand et de Nolay.
Voici le texte de cette vidéo :
Une étape longue et magnifique m’attend ce matin. Je pars sur une petite route, le chemin de Saint-Romain, dans une clarté parfaite, le cœur en fête.
Au loin un clocher et des vignobles joliment rectilignes, des peupliers qui donnent leur élan au paysage, des champs de blé vert tendre, promesses de blondeur et d’abondance, des ceps pleins de vitalité…
Le tracé quitte la route pour emprunter un sentier qui part sur la gauche, à l’assaut d’une corniche boisée de chênes et de buis. J’y croise un homme qui fait son footing et m’interpelle joyeusement.
Je domine bientôt une petite vallée vers laquelle je dégringole.
Les mousses ici colonisent toutes les branches des arbres comme des chaussettes. Ceux-ci n’en souffrent pas car elles ne les utilisent que comme support auxquels elles se fixent à l’aide de rhizoïdes. Elles se contentent de peu, ces mousses, rosée, brouillard ou pluie, et particules qui flottent dans l’air pour leur fournir des nutriments. C’est dans le fameux livre du forestier Peter Wohlleben La vie secrète des arbres que j’apprends tout cela.
En remontant sur le flanc opposé, je crois reconnaître des traces de chevreuil dans l’argile humide.
Arrivée au sommet, au débouché de la forêt sur une petite clairière herbeuse, mon cœur se met à battre soudainement. Devant moi, une vision inoubliable : à trois mètres à peine un chevreuil de toute beauté me regarde dans les yeux, aussi surpris que moi ! Mais infiniment plus réactif ! Dans la seconde, il s’élance et détale dans un bond fulgurant me laissant juste le temps d’apercevoir sa superbe musculature et la finesse de ses pattes.
Le sentier parcourt une pelouse sèche à orchidées, bordée çà et là de buis et de lichens. Ces petits végétaux frugaux, gris-vert, semblables à du moisi, résultent d’une symbiose entre un champignon et une algue. Ils poussent très lentement mais peuvent vivre plusieurs centaines d’années nous explique Peter Wohlleben.
Voici les coquelicots. Je sais que ces joyeuses fleurs sont signe de bonne santé écologique du sol. Parfait !
Dans le village de Saint-Romain le Haut, le viticulteur René Gras-Boisson nous incite à boire son excellente boisson, du Saint-Romain !
J’entre comme il se doit dans l’église paroissiale, chapelle du château des ducs de Bourgogne avec sa grande cuve baptismale et dont le chœur et le clocher datent du 15 ème siècle.
A ses côtés, ce tilleul magnifique, vieux de plus de deux cents ans, a survécu à la foudre et survivra, c’est sûr, de longues années encore, bien après nous …
Le sentier descend sur Saint-Romain, passe devant le lavoir puis remonte sur le versant d’en face en longeant le ruisseau du verger.
Devant le vieux moulin abandonné, je prends le temps de parler de ce pays attachant avec le jeune homme croisé ce matin qui fait une boucle en sens inverse de mon trajet.
Le GR fait un grand détour par le nord pour grimper sur la falaise de Baubigny.
Sur la crête, la vue est plongeante sur les villages traversés et la vallée qui s’en va vers Meursault au sud de Beaune et s’achemine vers la Saône.
Ces falaises de Saint-Romain abritent la majeure partie de la population de Faucon pèlerin, une espèce protégée en France, inscrite dans la directive européenne « Oiseaux » de 1979. Il semble qu’il y ait une trentaine de couples de ces rapaces qui trouvent ici des milieux forestiers ainsi que des milieux ouverts avec les pelouses sèches et les cultures. Un arrêté de protection de biotope qui interdit le vol à voile et l’escalade assure leur sauvegarde.
Les plateaux des Hautes-Côtes de Beaune sont disposés en gradins. Le soulèvement alpin est à l’origine de ce paysage et par la suite c’est l’érosion due aux variations climatiques des périodes glaciaires et interglaciaires qui l’a modelé tel que je le vois.
Je longe les falaises, tantôt sur la petite route, tantôt sur leur bordures, foulant l’herbe des pelouses sèches jusqu’au village d’Orches, village étoilé, labellisé protection du ciel et de l’environnement nocturne, qui s’étale en contrebas et domine les vignobles.
Je le traverse puis remonte sur la falaise jusqu’à la fontaine du chêne, le Châgne en patois, surmontée de stèles funéraires gallo-romaines. Les personnages représentés appartiendraient à deux familles placées sous la protection des dieux, peut-être Mercure, à moins que ce soit Priape le Gaulois affublé d’un phallus généreux que les villageoises venaient solliciter… ou remercier…
Je rase les falaises, longe les champs de blés, traverse la N6 qui relie Châlon sur-Saône à Auxerre puis débouche sur une carrière sans doute de Comblanchien clôturée, cadenacée, avant de m’aventurer sur la longue route poudreuse qui n’en finit pas de s’étirer sous le soleil.
A l’orée de cette forêt, je découvre sur ma peau une tique bien arrimée, fort mal placée, juste à l’arrière de ma cuisse. Malgré toutes les contorsions qui me démantèlent le cou, je ne peux m’en débarrasser. D’un accord pas vraiment commun, nous décidons que je lui serve d’hôte quelques heures encore. Il faut dire que les hautes herbes de ces pistes qui traversent la forêt sont des gîtes parfaitement adaptés à cet accarien ectoparasite. Pour couronner ces instants de frissons (avec son rostre mon amie Ixodida s’offre un bon repas en pompant mon sang), un orvet ou une petite vipère glisse entre mes sandalettes de montagne. Désagréable…
Mon attention est heureusement détournée vers les falaises de Cormot et du Bout du monde qui forment un cirque sauvage de belle allure où jadis Patrick allait grimper. Les voies d’escalade n’y manquent pas, plus de 250 aujourd’hui, de belles voies bien difficiles dans un calcaire Comblanchien. On nous conseille « la bulle », « la Salope », « la loche empogénée », sachant que « loche » est le nom donné, au choix, à un poisson transgénique expérimenté en Russie, une grande limace ou encore une morue! Mais qui me dira ce que signifie « empogéné » ?
Dans le Guide Hachette des vins il est dit qu’en contrebas de ces falaises, « deux amis produisent la cuvée Cul de Fussey qui se présente dans une robe jaune clair teintée de reflets verts, le nez empreint de notes d’amande, de fruits jaunes et de fleurs blanches. » Un vin harmonieux !
Au loin j’aperçois Nolay mais le sentier descend d’abord sur le village de Cormot-le-Grand, parcourt la campagne avant d’arriver dans les faubourgs de Nolay.
Nolay, une petite ville dont le charme ne peut que m’émouvoir. Maisons à colombages, ruelles étroites et surtout ces halles magnifiques du 14 ème siècle avec leur superbe charpente en châtaignier qui supporte une toiture en laves calcaires. 800 kg au mètre carré tout de même !
Je m’installe justement à l’Hôtel de la halle, dans une jolie chambre aux allures rustiques dont les fenêtres donnent sur l’église, les halles et la place.
Avant de m’offrir un restaurant fort convenable en contrebas, sous mes fenêtres, je parcours les ruelles. Mon cœur se serre devant le nombre terrifiant de rideaux baissés, de devantures bouclées, de vitrines rongées par les toiles d’araignées, bref de commerces désertés… Décidément cette petite ville, cette si jolie petite ville se meurt…
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