61- Saint-Juéry – Nasbinals

Written by Claude CAMILLI

Saint-Juéry – Nasbinals

30 août 2019

Voici une vidéo retraçant la 61 ème étape d’un cheminement à travers la France, de la frontière allemande au nord de Strasbourg à, ( peut-être un jour!), la frontière espagnole au sud de Perpignan. Dans cette longue marche, mon attention se porte en premier lieu sur les paysages, leur protection et leur reconquête éventuelle ainsi que sur la biodiversité et sa reconquête.

Etape magnifique à travers l’Aubrac. Au milieu d’un troupeau d’Aubracs, je fais face soudain à un magnifique taureau. Belle mésaventure! Epilobes et chardons, piliers de granit des « travails à ferrer », four à pain traditionnel et clocher à peigne de Brion, église romane de Nasbinals, « fleuron de l’art roman en Aubrac », cette journée a un très grand intérêt.

Voici le texte de cette vidéo:

C’est aujourd’hui véritablement que je vais fouler la terre d’Aubrac. Et la matinée s’annonce radieuse !

Quittant en California le camping de Fournels, nous passons devant l’église de Chauchailles. Daniel me conduit au carrefour où il m’a retrouvée hier.

Une brume légère flotte sur la campagne, s’effilant en longs rubans gris perle. Le soleil irradie dans la quiétude matinale, ses rayons rasants caressent prés et bois de blond, d’ambre et d’or.

Le GR de pays du Tour des Monts d’Aubrac que je suis depuis Saint-Juery traverse de magnifiques forêts trouées ici et là de vastes clairières où paissent des vaches familières dont l’existence tranquille se déroule dans un lieu étrangement nommé Poux de Fajot. Dois-je traduire cette appellation par « poux de lit » ?

Rien à voir, je suppose avec ces champs d’épilobes pionnières dont les fleurs rose-pourpre terminent les longues tiges cotonneuses : Leurs graines, en effet, portent de longs poils soyeux destinés à faciliter la dispersion par le vent, ce que l’on nomme anémochorie.

Le sentier se poursuit sans problème mais bientôt, ce GR faisant un détour inconsidéré, je décide de m’en affranchir. Je rampe sous un barbelé, longe la lisière d’un champ, jette alentour des regards circonspects craignant que ne surgisse quelque paysan irascible et m’enhardit  sur une vaste et superbe zone recouverte de genêts, d’affleurements granitiques, de chênes et de conifères.

Et maintenant, me voici en arrêt devant un étrange champ, tout de rose et d’argent, chatoyant dans le soleil : en m’approchant je m’aperçois que ce sont d’innombrables toiles d’araignées qui tapissent minutieusement le sol, liant les brins d’herbe les uns aux autres.

Depuis un moment je joue à cache-cache avec un troupeau d’Aubracs et comme je ne suis pas absolument rassurée, je laisse prudemment un rideau de hauts genêts entre elles et moi. J’avance ainsi courbée, intruse mais indomptée, visant au loin une piste empierrée, encourageante et salvatrice.

Je commence à respirer, relâchant enfin ma tension,  quand tout à coup, plantée sur de courtes pattes à quelques pas de moi, une bête énorme au cou trapu, au  mufle d’autant plus effrayant qu’il est d’un noir d’encre, me fait face. C’est le mâle dominant,  le gardien du troupeau!

Chance, il ne m’a pas vue ! Je m’éloigne alors à reculons, avec une prudence de sioux et viens franchir un muret de granit, surmonté d’un barbelé, puis un deuxième qui me donne enfin accès à la piste. Sauvée, je retourne braver ce magnifique taureau et sans vergogne, viens le photographier.

La mésaventure se terminant bien, je poursuis mon chemin jusqu’au hameau d’Ussels, observant une fois de plus ces murs sans fin et surtout ces curieux restes de piliers de granit. C’est en fait un « travail à ferrer », on dit encore un « travail », dont le pluriel est d’ailleurs « des travails » !   Il servait à immobiliser les chevaux ou les bœufs.

Ce raccourci plein de surprises se termine à Brion, où je retrouve le traditionnel four à pain et bien sûr l’église avec son clocher à peigne. Je parcours un bout de chemin avec une mamie partie pour sa promenade quotidienne. Paysanne, elle s’est occupée toute sa vie de ses troupeaux, ici dans son village. Au hameau suivant je retrouve un travail à ferrer, joliment décoré de pélargoniums. Les fermes avec leur laiterie et leurs silos changent de taille à l’abord du plateau.

Je commence un interminable cheminement à travers ce plateau justement.  Tout le long du sentier je suis frappée par les branches des arbres sauvagement arrachées. Je crois un instant que les bêtes affamées, manquant d’herbage à cause de la sécheresse, se rattrapent sur les feuillages, mais il n’en est rien me dit-on. Elles ont ce qu’il faut, d’ailleurs elles sont bien grasses mais sans doute aiment-elles s’offrir ces délicieux suppléments.

Je parcours près de huit kilomètres, certes un peu monotones, et finis par rejoindre Daniel pour le pique-nique de midi au hameau d’Escudières.

Nous repartons ensemble, descendant une route de campagne jusqu’au Pont du Gournier qui franchit le Bès. Petit café pris sur la terrasse du relais de l’Aubrac, laquelle nous offre un intermède de civilisation.

Longeant un moment la rivière, je repars sur une petite route bordée de chardons laineux aux surprenantes inflorescences mauves et d’épilobes floconneux, blancs nuages accrochés au talus.

Par des ruelles bordées de maisons aux murs de granit, j’arrive sur la place principale de Nasbinals, un village animé par les touristes qui se pressent autour de l’église Sainte-Marie, « fleuron de l’art roman en Aubrac » avec son clocher octogonal et la voûte en ogive de sa nef. Je fais quelques courses avant de rejoindre Daniel au camping municipal situé sur la route de Saint-Urcize à près d’un kilomètre du centre, en direction du nord d’où je viens… Mais l’emplacement a du charme et mon moral est excellent…

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