67- Meyrueis – Nant

Written by Claude CAMILLI

Meyrueis – Nant

5 septembre 2019

Voici une vidéo retraçant la 67 ème étape d’un cheminement à travers la France, de la frontière allemande au nord de Strasbourg à, ( peut-être un jour!), la frontière espagnole au sud de Perpignan. Dans cette longue marche, mon attention se porte en premier lieu sur les paysages, leur protection et leur reconquête éventuelle ainsi que sur la biodiversité et sa reconquête.

Dans cette étape traversant le Causse Noir sur le flanc ouest de l’Aigoual, je passe de la Lozère en quittant Meyrueis au Gard avec Lanuejols puis à l’Aveyron en arrivant à Nant et aperçois deux magnifiques chevreuils sur le sentier du GR 6. Paysage de pelouses sèches sur ce plateau calcaire où paissent les brebis et où la flore et la faune sont exceptionnelles. Je descends dans les gorges de la Dourbie entre Causse Noir et Causse du Larzac et passe au pied de Cantobre, village médiéval, perché sur son éperon avant d’arriver à Nant.

Voici le texte de cette vidéo:

Me lever à l’aube et parcourir les ruelles quand elles sommeillent encore est un bonheur auquel je prends décidément goût. Je laisse donc une ville endormie, Meyrueis, au pied du Mont Aigoual, à la confluence de ses cours d’eau : la Jonte, le Béthuzon et la Brèze non loin de sites fameux qui l’ont rendue célèbre aux premières heures du tourisme, Bramabiau, Dargilan, l’Aven Armand ou encore les chaos de Nîmes-le Vieux et de Montpellier-le-Vieux.

Je grimpe sur le Causse Noir dans la forêt domaniale de l’Aigoual dont les pins de Roquedols prennent des couleurs de roses et d’or aux premiers rayons du soleil. Je fais une halte pour avaler mon petit déjeuner que je n’ai pas pu prendre à l’hôtel et alors que je repars sur le sentier, deux chevreuils, semblables comme des frères jumeaux, détalent et s’évanouissent dans la pente. Vision fugace mais somptueuse.

Je débouche bientôt sur un col, au « Bout de Côte », à la frontière des départements du Gard et de la Lozère que je quitte donc ici.  Je me trouve à la limite ouest du Parc national des Cévennes, un parc de moyenne montagne constitué du Mont Lozère, des vallées cévenoles, du Mont Aigoual et des Causses et gorges.
Comme tous les parcs nationaux, il est constitué d’un cœur, zone de protection maximale dont la réglementation spéciale est fixée par l’état et d’une aire d’adhésion, zone de solidarité écologique avec le cœur, créée par l’adhésion volontaire des communes à un projet de territoire à 15 ans : la charte du Parc.

J’apprends que pour la grandeur de ses paysages et la force de son identité culturelle, ce territoire est mondialement connu. En 1985, il est classé en Réserve de biosphère par l’Unesco pour la mise en œuvre de son programme de coopération scientifique sur la conservation des ressources appelé Programme sur l’Homme et la biosphère, Man and the Biosphere (MAB).
En 2011, il est inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco.

Enfin, il est leader européen des espaces naturels protégés engagé dans la Charte européenne du tourisme durable depuis 2002.

Héritage de 5 000 ans d’agropastoralisme, ces paysages des Causses et des Cévennes sont grandioses, la biodiversité y est exceptionnelle mais ils sont fragiles. Je lis que l’agropastoralisme est particulièrement soutenu car il est indispensable à l’entretien des milieux ouverts menacés par la progression de la forêt et donc au maintien de la biodiversité, indispensable aussi à la qualité des paysages.

Sur cette carte, on voit la succession nord-sud des causses que j’ai déjà traversés, le causse du Sauveterre et le causse Méjean séparés par les gorges du Tarn et ceux qui m’attendent, le causse Noir et le causse du Larzac.

J’ai quitté le GR 6 pour rejoindre le GR 62 à Lanuéjols mais en faisant le détour par le petit village de Montjardin où jadis nous avions passé, Jean-Pierre et Chantal, Patrick et moi, tout un été dans cette petite maison rustique restée vivace dans mon souvenir.

A Lanuéjols je m’offre une pause à la terrasse d’un bistrot et un véritable petit-déjeuner. Des moutons pas tous disciplinés, menés par un vieux berger passent devant moi, certains visiblement l’esprit ailleurs.

Je quitte le GR 62 à Foulquarié et j’opte pour un sentier qui traverse en diagonale ce causse Noir en direction de Revens. Un bâtiment bas et long capte mon regard : que cache cette immense grange ? Pas grand-chose en fait…, des brebis en hiver peut-être.

Je lis que le ruisseau de Garène que je longe maintenant est un des rares cours d’eau actif qui entaille un des sept Grands Causses.

Le sentier bordé de murets de pierres sèches traverse le joli hameau de Licide, bien restauré.

Puis c’est la rencontre insolite avec les bisons de la ferme des  Randals.

Ce plateau calcaire n’est guère fertile sauf dans les dolines où l’argile s’est déposée permettant quelques cultures de céréales ou de plantes fourragères. Ici rien n’est simple : les paysans doivent épierrer leurs champs, ils forment alors des tas nommés clapas.

Le causse s’étire, paysage de pelouses sèches entrecoupées de buis et de genévriers où les troupeaux de brebis pâturent  et où la flore et la faune sont exceptionnelles, d’ailleurs le plateau, en partie seulement, est  inclus dans le réseau Natura 2000 : vivent ici des espèces de chauve-souris, Barbastelle, Grand murin, Grand rhinolophe et Petit rhinolophe et des Vautours fauves.

En lisant ce panneau j’apprends que je marche sur le versant ouest de l’Aigoual.

J’aperçois enfin le clocher du village de Revens bâti en bout du causse, dominant les gorges de la Dourbie.  Ce joli village appartient à la commune la plus occidentale du département du Gard. J’y fais une halte pour avaler mon pique-nique sans voir le moindre chat, écoutant le chant des oiseaux et laissant mon regard errer sur le paysage.

Je prends la rue du Causse noir puis un raccourci qui me conduit à la départementale que je décide de suivre, le sentier se perdant dans des fourrés peu engageants.

Le ruisseau de Garène que j’ai suivi ce matin s’enfonce lui aussi dans des gorges profondes avant de se jeter dans la Dourbie qui coule en contrebas. En face, commence l’Aveyron et ce plateau recouvert de forêts est l’immense causse du Larzac que je vais parcourir dès demain pendant deux jours.

La route descend tranquillement en lacets, s’enfonçant dans les gorges et me laissant entrevoir quelques belles échappées sur la Dourbie et le hameau des Moulinets.

En franchissant la Dourbie, je quitte le Gard pour l’Aveyron et rejoins une route importante sur laquelle je vais devoir marcher pendant une heure.

Je n’ai pas le courage de grimper jusqu’à Cantobre perché sur un éperon rocheux en calcaire dolomitique. Dommage, car j’apprends plus tard qu’il est classé parmi les plus beaux villages de France. Un village médiéval au passé templier et hospitalier. Je lis que son nom viendrait du celte, « « Canto Briga » qui signifierait Citadelle brillante. Et pas de voiture dans ce village car les ruelles sont trop étroites !

Au Vellas, je retrouve un sentier qui remonte le cours de la Dourbie sur sa rive droite, donc au pied du Causse Noir et en face du causse du Larzac. La Dourbie se jette dans le Tarn à Millau, au nord-ouest d’ici.

Je marche ainsi au fond des gorges entre les deux causses jusqu’à Nant où je la retraverse une dernière fois sur ce pont de la Prade construit au 14ème siècle.

Je redécouvre avec plaisir ce village médiéval où j’étais passée avec maman quand nous étions allées en vadrouille toutes les deux jusqu’au viaduc de Millau. Sur la place du Claux, deux styles, deux époques : mairie et halles, ces dernières  inscrites à l’inventaire des monuments historiques.

Le site de ce bourg étant à l’origine marécageux, les moines bénédictins l’ont alors asséché dès le 10ème siècle. Ils ont créé un réseau de canaux, les Vernèdes, dont certaines sections passent sous les maisons, valant à Nant d’être appelé « Jardin de l’Aveyron ».

Je me promène vers la belle abbatiale Saint-Pierre, une église romane des 11ème et 12ème siècles, elle aussi classée, avant de rejoindre l’hôtel  des voyageurs et son restaurant.

Je dîne à côté d’une tablée d’intellectuels paysans, des non-violents tout droit sortis du Larzac voisin, le béret penché sur le front, à coup sûr la vingtaine en 1971, l’année de mes 20 ans justement, premiers altermondialistes installés sur ce causse pour une cause puissante : lutter contre l’extension du camp militaire du Larzac. Lutte d’usure, gagnée dix ans plus tard. J’y reviendrai…

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