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Les Vignes – Le Rozier
3 septembre 2019
Voici une vidéo retraçant la 65 ème étape d’un cheminement à travers la France, de la frontière allemande au nord de Strasbourg à, ( peut-être un jour!), la frontière espagnole au sud de Perpignan. Dans cette longue marche, mon attention se porte en premier lieu sur les paysages, leur protection et leur reconquête éventuelle ainsi que sur la biodiversité et sa reconquête.
Je chemine sur le GR 6 au fond des gorges du Tarn, direction plein sud entre le causse du Sauveterre à l’ouest et le causse Méjean à l’est. Je traverse le hameau extraordinaire de la Sablière relié à l’autre rive par un câble avant d’arriver au Rozier situé au confluent de la Jonte et du Tarn entre Lozère et Aveyron.
Voici le texte de cette vidéo:
Aujourd’hui encore, je m’échappe au petit jour du confort du California. Laissant derrière moi le village des Vignes adossé au causse du Sauveterre, ce causse que j’ai traversé hier, j’emprunte le GR 6 qui longe le Tarn sur sa rive gauche.
Coup d’œil en face sur cette curieuse bâtisse du village de Saint-Rome-de-Dolan que j’avais repérée hier et qui pointe son nez au soleil alors qu’enfoncée dans les gorges, je vais cheminer à l’ombre une grande partie de la journée.
En face, c’est donc le flanc boisé du causse du Sauveterre alors que sur ma gauche s’élève le causse Méjean, dont les tours calcaires annoncent le plateau du Champ Rouge et le hameau du Bruel.
Sur cette partie aval des gorges, le Tarn a creusé son lit adoptant la direction plein sud, parfaite pour moi.
Mais bien en amont, il a pris sa source à l’est, sur le Mont Lozère, un massif granitique. Puis il a dû creuser dans le calcaire un canyon très profond, entre 400 et 600m, sur plus de 50km pour traverser les plateaux des Grands Causses.
Ici ou là, des cornouillers mâles offrent leurs fruits rouges vermillon qui ressemblent tant à des cerises. Les feuilles cependant sont bien différentes. Le bois du cornouiller est dur comme de la corne d’où son nom. Il est entomogame c’est-à-dire qu’il se reproduit à l’aide d’insectes pollinisateurs. Les fleurs jaunes qui apparaissent dès février fournissent aux abeilles une grande quantité de nectar et de pollen : c’est donc une excellente plante mellifère.
Le sentier longe d’abord le lit de la rivière, passe sous les ruines du château de Blanquefort, au-dessus de ma tête, perdu dans la forêt mais surtout confondu avec la falaise blanche, puis s’élève doucement permettant quelques beaux coups d’œil en arrière.
Je me rapproche de la roche qui présente quelques curiosités comme des mousses et des lichens ou comme ces troncs tordus, partis à l’assaut de la lumière, qui s’enroulent sur eux-mêmes et semblent s’incruster dans la paroi rugueuse, vert amande, rose ou bleutée.
Là un abri sous la falaise a dû maintes fois servir de refuge à quelque chasseur ou randonneur surpris par la nuit.
Ce chemin plein de poésie serpente sur les tapis de fougères, au pied des grands troncs rose oranger ou violets à cette heure encore matinale. Parfois, trop rarement, il musarde jusqu’à la rivière quand celle-ci présente une plage de galets.
De là, je peux lever les yeux vers les falaises ensoleillées du causse du Sauveterre à l’ouest puis vers celles du causse Méjean à l’est, desquelles le soleil n’a pas encore émergé, 400 m plus haut. Ce sont les corniches du Cinglegros qui me dominent ainsi
Mais voici qu’une magnifique maison de pierres apparaît brusquement à travers le feuillage. Puis c’est un véritable hameau qui se découvre et me saisit d’étonnement. Comment est-ce possible sur cette rive que je croyais totalement inhabitée ? En le contournant par le haut, je comprends vite où je suis : en face d’un lieu précis situé sur la route qui longe l’autre rive du Tarn, un lieu que je connais pour m’y être arrêtée plusieurs fois et qui est relié par un câble à ce hameau de la Sablière.
Un homme en contrebas me fait de grands signes que je ne comprends pas, mais je découvre bientôt, peint en blanc sur le sol, un mot de bienvenue m’invitant à descendre les escaliers qui me mènent sur la place centrale où je retrouve Albin, le gardien des lieux.
Je suis ici dans un ancien ermitage longtemps resté à l’abandon, tenu au 11ème siècle par des bénédictines.
Devant une tasse de café j’écoute l’histoire de cet endroit prodigieux. Fin du 19ème, début du 20ème Edouard-Alfred Martel explore sans relâche les grottes et les gouffres, particulièrement ceux des causses et des gorges du Tarn. Il va séjourner ici à la Sablière et dans les années 30, sa famille d’industriels fortunés, va restaurer magnifiquement ce hameau.
La décoration néo médiévale est parfaitement réussie. Dans une pièce, le noyer blanc et le noyer noir donnent au parquet Versailles une belle impression de profondeur.
Mes compagnons s’amusent sous un dais de dentelle blanche qui pare un trône en pierre marquant l’entrée du lieu. Albin a créé en 2015 l’association Essentielle dont le but est de promouvoir l’éveil social, culturel et environnemental de citoyens. Des stages divers sont donc organisés ici. Par ailleurs, l’association contribue à la sauvegarde et l’amélioration du domaine, notamment la restauration de restanques abandonnées : La Sabière est donc une sorte d’éco-lieu.
Nous marchons justement sur le domaine à la découverte de quelques-unes de ces restanques, ces murs qui retiennent la terre permettant d’aménager en terrasses de cultures le terrain quand il est pentu.
Albin veut aussi me montrer une maison dont il veut devenir propriétaire et qu’il envisage de restaurer. Là encore c’est un lieu privilégié qui a bien des avantages : il domine le Tarn, n’est plus qu’à une courte distance du village du Rozier, la vue sur les deux causses y est magnifique et le soleil s’y lève beaucoup plus tôt qu’à la Sablière.
Je quitte mes nouveaux amis et poursuis mon chemin le long du Tarn, toujours dans la forêt. Bientôt, je laisse sur ma gauche le sentier qui va rejoindre les échelles verticales qui grimpent à l’assaut du Cinglegros.
Et peu après j’arrive en vue du hameau de Plaisance où, là encore, de belles maisons en partie restaurées, se chauffent au soleil.
Je suis ici dans le département de la Lozère, en limite du parc national des Cévennes. Celui-ci comprend quatre entités géographiques distinctes : le massif de l’Aigoual, le mont Lozère, les vallées cévenoles et le causse Méjean avec les gorges du Tarn et de la Jonte.
J’arrive justement vers le confluent de la Jonte avec le Tarn qui fait ici un angle droit avant d’aller se jeter bien plus à l’est dans la Garonne après avoir reçu sur sa droite l’Aveyron.
Et maintenant me voici arrivée au Rozier, un village que j’affectionne particulièrement pour y être allée à plusieurs reprises, toujours sous le soleil des vacances, lieu d’escapades joyeuses et mémorables.
Je retrouve Daniel à la terrasse du restaurant, face au village de Peyreleau situé en Aveyron, de l’autre côté de la Jonte. Puis nous nous installons au camping municipal du Rozier, au bord de la Jonte.