69- Le Caylar – Lodève

Written by Claude CAMILLI

Le Caylar – Lodève

3 juin 2020

Voici une vidéo retraçant la 69 ème étape d’un cheminement à travers la France, de la frontière allemande au nord de Strasbourg à, ( peut-être un jour!), la frontière espagnole au sud de Perpignan. Dans cette longue marche, mon attention se porte en premier lieu sur les paysages, leur protection et leur reconquête éventuelle ainsi que sur la biodiversité et sa reconquête.

Dans cette étape, je termine la traversée de l’immense Causse du Larzac dont l’emblème est la magnifique cardabelle ou Carline à feuille d’acanthe. J’arpente les pelouses piquetées de bosquets de chênes, de châtaigniers ou genévriers puis traverse les forêts aux reliefs ruiniformes avant de descendre sur le village médiéval de Soubès. Le GR 71 me conduit à Fozières par un chemin caladé où j’observe un clathre rouge ou cœur de sorcière. Ayant franchi l’A75, j’arrive à Lodève dominée par sa haute cathédrale Saint-Fulcran de style gothique méridional.

Voici le texte de cette vidéo:

C’est un air de liberté qui souffle follement sur cette matinée de juin !

Nous sommes partis hier avec le California en direction du sud du Larzac, nous arrêtant à Monistrol-sur-Loire et son château pour avaler notre premier café après confinement. A la terrasse de son bistrot un gargotier heureux accueille, de nouveau, des clients impatients.

Les genêts exultent, le viaduc de Millau s’élance vers les cumulus. Peu avant Le Caylar – notre but et d’où je repartirai à pied – j’entraîne Daniel sur les remparts de La Couvertoirade, village médiéval construit par l’ordre des Templiers puis géré par les Hospitaliers après la dissolution de l’ordre en 1312, bourgade que j’avais longuement arpentée il y a 9 mois.

Nous passons la nuit dans un camping à la ferme, rustique, sans eau ni électricité, néanmoins fort cher.

Et voici Le Caylar au pied de son Roc Castel, où je retrouve mon chemin, le GR 71, le reprenant là où je l’avais quitté en septembre dernier. Mais j’ai perdu la main : je commence par me fourvoyer dans une mauvaise direction, petit écart que ma vigilance corrige bien vite.

Reprenons. Le Caylar est situé dans le département de l’Hérault, en Occitanie bien sûr, à 70 km au nord-ouest de Montpellier. Je poursuis ma traversée nord-sud sur le plus vaste et le plus méridional de tous les causses du Massif central, le fameux causse du Larzac.

La flore du causse est extrêmement riche mais c’est une fleur de la famille des artichauts qui est l’emblème du Larzac : la Cardabelle, ce magnifique chardon, ce « soleil des herbes » souvent cloué à la porte des granges, porte bonheur des bergers qui en mangeaient le cœur et se servaient de ses feuilles pour carder la laine des moutons. Cette Carline à feuille d’acanthe, encore appelée cardouille ou cardon, capte les rayons du soleil en s’ouvrant en son centre et se referme lorsque l’humidité tombe, en bon baromètre, symbole de la lumière et du soleil.

Pour l’instant le sol argileux ou sabloneux permet des cultures mais très vite, celles-ci viennent buter sur quelque émergence calcaire et laissent la place aux pelouses sèches.

Je longe bientôt la ferme gîte des Barasquettes. La vingtaine de vaches de race Angus noir, issues d’une sélection des meilleurs élevages écossais vit en toute liberté. Ici on s’active aussi à rétablir une biodiversité riche en réintroduisant des chouettes effraies, des hiboux grands ducs, des buses ou encore des faucons.

Devant moi, je retrouve l’immensité des paysages de steppe, ces paysages qui me sont devenus familiers, paysages ouverts, battus par les vents, où mon regard se perd. Mais je ne m’y trompe pas : malgré leur aspect sauvage, je n’oublie pas que les bergers et leurs troupeaux n’ont eu de cesse de parcourir ces pelouses et que celles-ci sont durablement modelées par cette utilisation agropastorale.

Ici ou là affleure le sol calcaire. Ces plateaux sont arides, l’eau est vite absorbée par les steppes et s’infiltre dans les rivières et grottes souterraines. Pour la retenir l’homme a cimenté de petites mares, les lavognes.

Marcher ici est loin d’être monotone. Au détour du chemin, l’ambiance paysagère change : pelouses piquetées de bosquets de chênes, de châtaigniers ou genévriers. Reliefs ruiniformes – le terrain devient alors sablonneux – soudaines et belles forêts de pins, bouquets éclatants des genêts.

La longue traversée du plateau touche à sa fin, j’en perçois sa bordure sud et la plongée prochaine dans la vallée profonde. 

L’histoire de la forêt de Notre-Dame-de-Parlatges que je traverse est édifiante : dans les années 1800, après des siècles de pastoralisme et de déboisements intensifs pour l’industrie drapière et la verrerie, les pentes sud du Larzac sont dépourvues de couverture végétale. S’en suivent entre 1840 et 1860 des inondations catastrophiques de la vallée de la Lergue, causées par les eaux de ruissellement. C’est à cette époque qu’est votée la loi sur la Restauration des terrains de montagne (RTM). Aussitôt des travaux de reboisement commencent avec l’aide de la population locale (notons que l’industrie textile décline et que le chômage progresse).

On construit 100km de sentiers et des murets élevés pour soutenir la terre et on sème des feuillus et des résineux, puis plus tard du pin noir d’Autriche, rustique, capable de coloniser les sols superficiels et pauvres.

Le statut de protection de la forêt est abrogé en 1965 et l’exploitation de celle-ci recommence. Les parcelles pentues ne sont pas replantées, on laisse se faire la régénération naturelle par des espèces spontanées telles que le chêne blanc ou le robinier faux acacia qui prévalaient avant la déforestation.

Les sols sont reconstitués, la forêt joue maintenant son rôle de régulateur des eaux de pluie et atténue les effets dévastateurs des crues comme on a pu le constater lors des derniers épisodes méditerranéens.

Le sentier fait place à une piste que je descends allègrement. Dans un virage, j’avise une sente étroite qui, je le pense, sera un raccourci bien qu’elle remonte sérieusement. Mais, confiante, j’avale le dénivelé… Pour me retrouver presque sur mes pas, je reconnais le passage ! Qu’importe, je m’obstine et poursuis sur une piste forestière qui part à l’horizontale. L’heure tourne, Daniel m’attend dans la vallée. J’oblique sur un sentier raide qui dévale en pleine pente. Je descends vite, bute sur une racine et fais une jolie chute, heureusement sans gravité.

En contrebas s’étire le village de Soubès au milieu de ses champs colorés, tout de même bien cerné par les forêts. Après un long détour je traverse le ruisseau de Subrebet puis remonte en face jusqu’aux premières maisons et la petite place ombragée où m’attend Daniel attablé devant un pastis. Heureux de ces retrouvailles, nous avalons un déjeuner mérité dans ce bistrot.

Je repars en suivant les ruelles étroites puis m’élève sur l’ancienne voie médiévale de Soubès à Fozières dont certaines sections sont encore empierrées – caladées – J’y trouve ce singulier champignon, véritable sculpture d’un orange éclatant. C’est un clathre rouge ou cœur de sorcière,  une espèce aimant la chaleur et les lieux ombragés et humides  et  considérée comme une espèce invasive…Plus je grimpe, plus le village de Soubès dévoile son caractère, au pied des pentes sud du Causse du Larzac dont je m’éloigne inexorablement. Je contourne ainsi, au milieu des vignes et des genêts, le pic de Vinas puis j’atteins le village de Fozières et sa tour monumentale.
Il a du charme ce village, il mérite une halte auprès de la fontaine en attendant Daniel qui m’a suivie en voiture.

Je me sépare du GR 71 pour suivre la départementale D149 qui descend doucement jusqu’à la vallée de la Lergue. Je franchis l’A 75 sous un tunnel, puis longe d’immenses bâtiments abandonnés qui témoignent d’un passé industriel, peut-être une ancienne usine textile. Le pont sur la Lergue franchi, une rue rectiligne interminable me conduit sur la place centrale de Lodève où m’attendent le California et son chauffeur. Nous prenons le temps de flâner dans les ruelles de la ville, de nous offrir cafés et crêpes puis de visiter l’imposante cathédrale Saint-Fulcran datant du 13ème siècle, typique du gothique méridional.

Nous passons la nuit au camping Les Vals, situé à quatre kilomètres au sud de la ville, tout juste réouvert après la période de confinement.

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