Le Grand hamster et la monoculture du maïs

Written by Claude CAMILLI

 

Le Grand hamster et la monoculture du maïs

Découvrez les menaces qui pèsent sur le Grand hamster d’Alsace, cet adorable petit rongeur et la lutte pour sa reconquête et celle des sols et des paysages.
Voyez comment la monoculture du maïs provoque chez ce rongeur des comportements d’auto-destruction terribles. Et comment le projet Alister permet de lutter contre cette menace d’extinction.

 

 

Voici le texte de cette vidéo.

Bonjour, ici c’est Claude Camilli. Bienvenue dans cette nouvelle vidéo de Paysages Reconquis-mon blog. Aujourd’hui je veux vous raconter l’histoire d’un petit animal des champs. Histoire d’une reconquête de biodiversité, de reconquête des sols, de reconquête des paysages.

Vous avez reconnu, nous sommes cette fois-ci dans le nord-est de la France, en Alsace.

Le Grand hamster et la monoculture du maïs

Je suis très chou mais je deviens fou

Qui suis-je ?

Cricetus cricetus, le plus adorable des rongeurs. Sauvage et un peu agressif. Pas si minuscule que ça puisque je peux mesurer jusqu’à 30 cm. Mais ne comptez pas m’observer car je suis affreusement casanier, je dors dans mon terrier de fin septembre à fin mars. D’ailleurs on m’appelle la « marmotte de Strasbourg ». Et quand je sors, ce n’est jamais bien loin et toujours à la tombée de la nuit.

En France je n’habite que dans la plaine d’Alsace. Dans les maïs, ce qui est bien là mon problème…

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Je grignote des plantes mais à l’occasion je croque aussi des insectes, des vers de terre, des escargots ou des limaces.

Je suis un indicateur de biodiversité ! La preuve vivante de la vitalité de mon écosystème… mais vous devez savoir que je suis classé comme l’un des mammifères les plus menacés d’Europe.

Que se passe-t-il avec mon habitat ?

Je vivais paisiblement au milieu de cultures variées, depuis des générations, avec comme seul prédateur – pas tendre, c’est sûr – le renard. Mais un jour on nous a déclaré la guerre. (D’accord, peut-être avions-nous un peu proliféré). On nous a qualifié de nuisibles, pendant des années on nous a empoisonnés méthodiquement, avec application. Pas drôle du tout ! D’ailleurs nous ne sommes pas les seuls : 75% de la faune et de la flore ont été anéanties, en Alsace, en trente ans. Et nous, nous avons perdu 95% de notre territoire en quatre décennies !
Les responsables ? Leurs routes, leurs lotissements, leurs ZAC, leurs parkings… Bref leur urbanisation qui fragmente nos terres, leur dérèglement du climat aussi… Mais ce n’est pas tout : la grande responsable est aussi la monoculture du maïs. Ici, dans la plaine, 53% des terres arables sont cultivées en maïs.

Le maïs me rend fou ! Ou plutôt folle !

Je suis une solitaire, moi qui suis une femelle. Le mâle me séduit, d’accord et nous nous accouplons mais je le chasse immédiatement du terrier car c’est moi et moi seule qui élève mes petits et qui les protège. Enfin si on veut ! Car depuis quelques années tout va mal pour moi. Je mange mes petits, presque tous ! Pas drôle, mais pas drôle du tout !

Ce sont les scientifiques qui viennent de le découvrir : la carence en vitamine B3 dans le maïs affecte mon système nerveux central et je fais n’importe quoi !

Du coup, on ne serait plus qu’entre 400 et 800 individus, moins que ça disent certains, alors que le seuil de viabilité de notre espèce est évalué à 1500.

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Des hommes nous exterminent, d’autres hommes nous sauvent… Ou tentent de le faire

C’est le président de l’association Sauvegarde Faune Sauvage, Jean-Paul Burget qui s’est rendu compte de la baisse de nos populations à la fin des années 2000. Il a tout de suite contacté la Région d’Alsace et le gouvernement, mais en vain. Alors il s’est retourné vers la Commission Européenne. Vers 2008, celle-ci a menacé la France de saisir la Cour de justice. Comme l’affaire n’avançait pas, cette Cour a menacé la France d’une amende de 17 millions ! Ah quand même ! On ne plaisante pas ! D’autant que nos amis allemands et néerlandais eux, s’étaient mobilisés pour nous. Et si d’aventure, nous venions à disparaître en France, alors là, plus question de rire : l’amende passerait à 120 millions d’euros… par an ! Cela finit par décider le gouvernement à réagir en 2014. Pour nous sauver, il met en place le projet Alister* initié par la Région Alsace (le Grand Est maintenant) qui fait partie du projet européen Life*, lequel finance différents projets de protection de la biodiversité.

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Mais c’est là que les difficultés surgissent… Tout le monde n’est pas content !

– Pas de grand contournement ouest de Strasbourg qui détruirait notre habitat

– Refus de certaines communes de sacrifier leurs zones péri urbaines pour nous sauver ! Comment ? Sauver un animal de 30 cm !

Et pendant que les uns râlent, les autres agissent

Heureusement, les partenaires du projet s’activent : le CNRS, l’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage, la Chambre d’agriculture, le Groupe d’Etude et de Protection des Mammifères d’Alsace, le bureau d’étude Actéon et la Région Alsace conseillent les entreprises, les particuliers et surtout les agriculteurs qui sont les principaux concernés. Près de 150 agriculteurs participent à l’expérimentation et adhèrent à l’association AFSAL (Agriculteurs et Faune Sauvage Alsace). Depuis 2013, de nouvelles Mesures Agro-Environnementales et Climatiques (MAEC) les aident à changer leur pratique.

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Reconquête des sols, des pratiques agricoles et donc des paysages :

Tous ces chercheurs, ces techniciens, ces agriculteurs se remontent les manches pour améliorer notre habitat et reconnecter nos populations en construisant par exemple des passages à faune, ces tunnels construits sous les routes. Il était temps !

Mais surtout les nouvelles pratiques agricoles permettent de mieux concilier les rendements et la biodiversité. On expérimente des couverts végétaux, l’alternance de blé et de trèfle ou de luzerne et de céréales à paille par exemple. On expérimente le travail simplifié du sol. On teste de nombreuses espèces et mélanges d’espèces pour évaluer la production de biomasse, la restitution d’azote disponible pour les cultures suivantes. Bref on s’active pour reconquérir ce qui peut l’être encore…

De son côté, dans sa ferme d’élevage, Jean-Paul Burget élève 500 hamsters qu’il relâche en mai ou juin dont, il le sait, la moitié ne survivra pas. Malgré ces lâchers et ces changements de pratiques agricoles, la population est loin d’être stabilisée et sauvée. Alors faut-il continuer ?

Il est important de préserver le Grand hamster car il s’agit d’une « espèce parapluie ». Protéger le rongeur, c’est protéger tous les autres mammifères.

Ce qui est bon pour le hamster est bon pour la petite faune des champs. Et c’est bon aussi pour l’agriculteur. Redisons-le, la présence de Cricetus cricetus est un révélateur de la bonne santé de notre biodiversité.

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*LIFE signifie L’Instrument Financier pour l’Environnement

*Alister signifie « Alsace Life Hamster ». Le Programme est cofinancé à 50% par l’UE, 25% par l’État et le reste en autofinancement par les partenaires.

Sources :

http://www.cricetus.alfae.fr/

Reportage de la chaîne TV Alsace 20

http://www.grand-hamster-alsace.eu/

Photos :

alsace vue du ciel – bas-rhin.com

Champ de maïs en Alsace grand-cricetus.alsace

CC BY-SA 3.0 – Auteur : Jacek555
Source de l’image :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Hamster_d%27Europe#/media/File:C.cricetus_Lublin1.jpg

© Julian Rad
Source :
https://500px.com/julian_rad

14 CC BY-SA 3.0 – Auteur : Agnieszka Szeląg
Source de l’image :
https://commons.wikimedia.org/wiki/File:C.cricetus_Lublin3.jpg

2 thoughts on “Le Grand hamster et la monoculture du maïs

  1. Stolz says:

    Bravo Claude
    Documentaire très intéressant et très bien documenté. J’ai adoré. Merci d’avoir envoyé un mail pour me le signaler. Je reconnais que je n’ai pas spontanément sur le blog. Continue à envoyer des mails je vais regarder les autres vidéos que tu proposes

    • Claude CAMILLI says:

      Merci Christine pour ces encouragements! Je t’enverrai d’autres articles et vidéos…

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