66- Le Rozier – Meyrueis

Written by Claude CAMILLI

Le Rozier – Meyrueis

4 septembre 2019

Voici une vidéo retraçant la 66 ème étape d’un cheminement à travers la France, de la frontière allemande au nord de Strasbourg à, ( peut-être un jour!), la frontière espagnole au sud de Perpignan. Dans cette longue marche, mon attention se porte en premier lieu sur les paysages, leur protection et leur reconquête éventuelle ainsi que sur la biodiversité et sa reconquête.

Fabuleuse étape sur le causse Méjean qui me mène du Rozier à Meyrueis par le GR6. Celui-ci s’élève au-dessus du confluent du Tarn et de la Jonte. J’observe une colonie de vautours fauves perchés sur les falaises de calcaire. Plus loin, les Arcs de Saint-Pierre sont des rochers dolomitiques formant un paysage étonnant de voûtes naturelles et de grottes. Sur ce causse nu, le plus rude des Grands Causses je traverse des hameaux aux maisons traditionnelles et passe devant l’aven Armand avant de redescendre dans la vallée de la Jonte, à Meyrueis niché au pied du Mont Aigoual.

Voici le texte de cette vidéo:

Ouste ! Réveil à l’aube ce matin ! Une longue marche m’attend. Je vais parcourir pas moins de 35 km aujourd’hui ! Et d’abord je dois grimper là-haut, sur le plateau.

Dès le 11ème siècle les moines bénédictins cultivaient des roses ici d’où le joli nom de ce village du Rozier enveloppé d’une lumière bleutée, encore endormi au pied de son rocher de Capluc.

Juste en face, tout proche, séparé de lui par la Jonte, dominant le confluent du Tarn et de la Jonte,  le village de Peyreleau  s’adosse au causse Noir. Peyreleau qui est d’ailleurs dans l’Aveyron alors que le Rozier est dans la Lozère.

Entre ce causse Noir au sud, à gauche donc et le causse du Sauveterre au nord, le ruban des deux rivières désormais confondues- le Tarn- s’étire vers l’ouest pour rejoindre Millau et son viaduc.


Le Rozier servit de camp de base à Edouard-Alfred Martel. C’est là qu’il fit connaissance d’autres passionnés du monde souterrain dont Louis Armand, forgeron dans ce village.

Le GR 6 longe le village abandonné de Capluc et poursuit au pied des hautes falaises calcaires, laissant le Rocher de Capluc dont j’ai fait l’ascension à plusieurs reprises par le passé, grimpant sur les échelles verticales successives. Je ne résiste pas au plaisir de glisser ces quelques photos prises au printemps, du sommet de ce rocher unique.

Mais je reviens à ce petit matin de septembre, plongée dans la forêt sombre qui se hisse jusqu’aux falaises blanches des causses, le causse Méjean ici et, en face le causse Noir. Je grimpe vite, joyeusement, pleine d’énergie jusqu’à ce que soudain je tombe en arrêt le cœur battant : le soleil éclaire de ses premiers rayons le sommet d’une tour. C’est bien un vautour qui se chauffe, royal sur son domaine.

Pendant plus d’une heure, oubliant totalement l’avance prise grâce à mon réveil matinal, je vais rester là à l’observer, lui et ses compères. Spectacle fabuleux, dont il va m’être difficile de m’arracher.

Dans les années 1940, les vautours ont tous disparu de cette région…

C’est en 1981 que l’on a procédé au lâcher des premiers vautours.  C’était une première mondiale !

Depuis, les 4 espèces européennes de vautours y sont à nouveau visibles : 

Vautour Fauve, ceux que j’observe, Vautour Moine, Vautour Percnoptère et, dernier arrivé en 2012, le Gypaète Barbu.

Mais tout est exceptionnel sur cet itinéraire de René Blanc : les forêts et les hauts pins somptueux, les vues plongeantes sur la Jonte puis sur le Tarn, les maîtres des lieux qui vivent là en colonies, les formes étranges sculptées dans le calcaire, les impressionnantes parois qui me surplombent.

Elles me rappellent le Vase de Chine, ce monolithe époustouflant que je ne reverrai pas cette fois-ci car le GR 6 a repris une direction quasi nord dominant le sentier que j’ai parcouru hier le long du Tarn, m’offrant des vues inoubliables sur la rivière et le causse du Sauveterre.

Je laisse une fois de plus un sentier partir vers le Rocher du Cinglegros alors, qu’ayant rejoint le plateau je pénètre dans une claire forêt de pins jusqu’au hameau de Cassagnes dont les maisons traditionnelles ont été restaurées avec goût depuis mon dernier passage.

Je chemine vers un autre site étrange : les Arcs de Saint-Pierre. Un paysage  étonnant qui évoque les ruines et les chaos. Ici ce ne sont que falaises et rochers dolomitiques formant des voûtes naturelles, de véritables arches, et de grottes sans doute habitées dès la préhistoire.

La présence de sable dolomitique au milieu d’une mosaïque de pelouses sèches permet le développement d’espèces particulières remarquables comme la chauve-souris méridionale, l’Oreillard gris qui fréquente sur ce site aussi bien les milieux ouverts que le milieu karstique. Ce n’est pas une espèce menacée. En France il est classé comme « préoccupation mineure » dans la liste rouge pour la conservation de la nature.

Je lis que l’ensemble du site est pâturé par les ovins mais cette pression pastorale semble aujourd’hui insuffisante pour contenir la colonisation des landes par les ligneux. Le risque de fermeture du paysage existe donc. L’autre menace est liée à la fréquentation des touristes qu’il est donc nécessaire de sensibiliser sur la présence d’espèces fragiles.

J’atteins bientôt le hameau de la Viale puis le village de Saint-Pierre-des-Tripiers où le GR 6 fait un angle droit laissant la direction nord pour celle de l’est. Je plonge alors dans un ravin boisé avant d’atteindre Las Bastidas. Nouveau ravin plus profond d’où j’émerge par une rude montée sous le soleil qui finit par me conduire au village de Hyelzas où je m’attarde devant la ferme caussenarde d’Autrefois, un patrimoine dont l’histoire débute en 1640.

Mais l’heure passe et il me reste un long chemin avant d’atteindre l’aven Armand où Daniel doit m’attendre pour le repas de midi.

Repas que nous prenons au restaurant, Le jardin des glaces. Nous avions visité cet aven avec nos petits-enfants Harold et Léo, en 2014.

Daniel me quitte ici, il doit repartir à Lyon. Je vais donc terminer seule cette section de dix jours.

Je repars sur le plateau du causse Méjean pour une longue traversée aride. Le sol est pauvre et rocailleux, on l’appelle le causse nu, le plus rude des Grands Causses, véritable steppe calcaire. C’est le plus haut des plateaux caussenards, avec un point culminant à 1 250 m d’altitude.

L’hiver est froid et enneigé, l’été chaud et sec.
Aucun cours d’eau ici. L’eau de pluie s’infiltre et rejoint de vastes réseaux karstiques puis resurgit dans les vallées et alimente leTarn et la Jonte.

Quelques rares terres cultivées tapissent les dépressions. De tout temps ce plateau a été parcouru par les troupeaux d’ovins. Pourtant ce paysage agropastoral ouvert est en train de se transformer en paysage forestier : les pins sylvestres et les pins noirs gagnent du terrain. Une menace que le maintien du pâturage ne parvient malheureusement pas à contenir.

Depuis 2011, le causse Méjean fait partie du site des Causses et des Cévennes, inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO.

Je commence à entrevoir la descente dans les gorges de la Jonte au fond desquelles s’est établit le village de Meyrueis.  Je le retrouve comme dans mon souvenir, au pied du Mont Aigoual et à une courte distance du chaos de Nîmes le Vieux.

Ce soir, je dîne au restaurant, sur une terrasse animée qui borde le ruisseau, puis je prends le temps de flâner dans les ruelles étroites bordées de maisons médiévales ou renaissance avant de monter dans ma chambre d’hôtel  avec sa drôle de salle de bain à la décoration curieuse.

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