62- Nasbinals – Col de Trébatut

Written by Claude CAMILLI

Nasbinals – Col de Trébatut

31 août 2019

Voici une vidéo retraçant la 62 ème étape d’un cheminement à travers la France, de la frontière allemande au nord de Strasbourg à, ( peut-être un jour!), la frontière espagnole au sud de Perpignan. Dans cette longue marche, mon attention se porte en premier lieu sur les paysages, leur protection et leur reconquête éventuelle ainsi que sur la biodiversité et sa reconquête.


Dans cette étape à travers l’Aubrac, il est question du Chemin d’Urbain V, du GR670 puis du GR6, d’une ZNIEFF de type I constituée de tourbières et de prairies humides, de burons et de Puechs, de la Croix de la Rode, au pied du Signal de Mailhebiau, point culminant de l’Aubrac, du maquis « Bonnecombe », un maquis d’ouvriers communistes allemands, des villages de Pierrefiche et de Chirac.

Voici le texte de cette vidéo:

Ce matin je décide de me lever avant le soleil : je poursuis la traversée de l’Aubrac et la journée sera longue. A peine éclairée par le ciel étoilé, je chemine jusqu’à Nasbinals où seuls les cafetiers animent le village endormi serré autour de son église romane, plus émouvante sous l’éclairage nocturne. Un panneau m’informe des villages alentours : Aubrac, Espalion, Laguiole, Marvejols… Que de noms qui chantent.

J’empreinte sur une courte distance le Chemin Urbain V. Qu’est-ce donc ? Un chemin de grande randonnée qui relie des sites inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco : Causses et Cévennes, Gorges du Tarn en particulier. Mais c’est surtout un chemin en l’honneur de Guillaume Grimoard devenu pape sous le nom d’Urbain V, de 1362 à 1370, 200ème pape de l’église catholique, défenseur de la culture et de la science. N’écrit-il pas : « Je souhaite que les hommes instruits abondent dans l’Église de Dieu. […] Dussent-ils même exercer des professions à travaux manuels, il leur sera toujours utile d’avoir étudié. »

Mais voici que je loupe une jonction mal indiquée, erreur vite corrigée : je rejoins rapidement le GR 670 aux abords du lac glaciaire de Salhiens au pied d’une falaise volcanique.

Le soleil se lève, dorant de ses rayons les zones humides et tourbeuses, découpant en ombres chinoises les troupeaux d’Aubracs sur un ciel admirable dont les violets, parme et tourterelle,  virent insensiblement au rose incarnat puis aux jaunes, or, paille, et topaze.

Je traverse une ZNIEFF de type I, une zone naturelle d’intérêt faunistique et floristique, constituée de tourbières et de prairies humides d’une part, de bois, de prairies mésophiles de fauche ou pâturées d’autre part. La flore et la faune sont remarquables comme la fragile Laîche puce ou la Grande Berce de Lecoq, le Campagnol amphibie, la Loutre d’Europe ou encore l’Aeschne des joncs, une libellule tributaire de l’évolution des tourbières et dont les habitats sont fragmentés et menacés.

Rareté et richesse écologique de ce lac… Je lis cependant que « ces milieux, issus des dernières glaciations, sont extrêmement fragiles et sensibles à toute perturbation de leur fonctionnement hydrologique ».

Après le Buron des Nègres, je passe au pied du Puech de Saint-Geniez, traverse encore d’immenses zones humides, quitte une ancienne voie romaine rectiligne, puis traverse le ruisseau de Place Naltes où je m’arrête un instant pour avaler quelques graines, amandes et raisins secs.

Je  grimpe – on ne peut certes parler d’ascension, moins encore d’escalade – sur un mamelon sans nom d’où mon regard s’égare sur ce que l’on nomme Monts d’Aubrac, un haut-plateau immense s’étendant à perte de vue. Des bouquets de sapins plantés de loin en loin, rompant le moutonnement monotone, permettent aux troupeaux de s’abriter par mauvais temps.

A Montorzier, je trouve le moyen de m’égarer, n’osant franchir une barrière qui semble protéger  propriété privée et chapelle. L’ayant finalement franchie, je rejoins peu après le GR6 au buron du Pendouliou-de-Fabrègues à la limite de la réserve des tourbières de l’Aubrac, à quelques encablures de la station de ski de Brameloup située au cœur de la forêt domaniale d’Aubrac.

Et me voici prête à parcourir quatre kilomètres sur une route parfaitement rectiligne qui marque la frontière entre la Lozère à l’est et l’Aveyron à l’ouest, deux départements à l’extrême nord de l’Occitanie. J’ai en effet quitté la région d’Auvergne-Rhône-Alpes pour l’Occitanie il y a deux jours à peine, à Saint-Juéry.

L’interminable route me mène à la Croix de la Rode, au pied du Signal de Mailhebiau, point culminant de l’Aubrac, à 1 469 m d’altitude, l’un des rares volcans de l’Aubrac dont on peut reconnaître la silhouette. Le GR a la bonne idée d’éviter son sommet, le contournant par le nord à travers les immenses étendues de pâturages, passant  parfois vers de rares burons, jusqu’au refuge des Rajas, construit au milieu de blocs de granit, près des sources du Bès.

Je ne m’y arrête pas car Daniel m’attend un peu plus loin au Relais des lacs. Mais avant de nous y installer devant tartes et cafés, nous faisons l’aller-retour en California jusqu’au col de Bonnecombe tout proche, pour y pique-niquer.

Au printemps 1942, un groupe d’ouvriers communistes allemands, employés à l’usine de Saint-Chély d’Apcher, crée le maquis « Bonnecombe », un maquis important puisqu’il comptera jusqu’à 2000 membres en juin 1944. Un monument au col commémore ces résistants allemands luttant contre le fascisme.

Je repars bientôt, jetant quelques regards en arrière car je comprends bien que je quitte les grands plateaux de l’Aubrac en m’enfonçant dans cette forêt de Cumborio.

Je lis qu’autrefois cette montagne de Mountasset qui d’ailleurs est granitique- adieu les volcans basaltiques- accueillait de grands troupeaux de moutons venus du Languedoc pour y pâturer. Mais depuis 1960, les troupeaux ont disparu et la montagne a été reboisée.

Je tourne le dos ici au GR du Tour des Monts d’Aubrac que j’ai longuement suivi depuis deux jours mais qui repart maintenant vers le nord … alors que mon but est plus que jamais la frontière espagnole du côté de Perpignan.

A partir de la petite station de Salces-Bonnecombe, on pratique du ski de fond dans cette forêt mais aussi la cueillette des champignons. Vers la Croix du loup, je rencontre un groupe dont les paniers en osier sont visiblement bien remplis.

Après cette longue traversée en forêt, je débouche sur  un paysage ouvert que je peux contempler en faisant le détour jusqu’à une table d’orientation : Les Monts de Margeride au nord-est, les Cévennes et le Mont Lozère, Florac et Saint-Enimie à l’est et au sud, les Causses vers lesquels je me dirige dès demain.

C’est le village de Pierrefiche que l’on domine de ce bélvédère panoramique.

Mais pour l’instant, je dévale le sentier jusqu’au col de Trébatut : c’est ici que je termine mon étape. Daniel m’y attend et nous descendons en California dans la vallée  de la Colagne jusqu’au village de Chirac où nous nous arrêtons au camping du Soleil Levant… Petit balade le soir, après le dîner…

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