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5- Lichtenberg – La Petite Pierre
Lundi 1er mai 2017
Voici une vidéo retraçant la cinquième étape d’un cheminement à travers la France, de la frontière allemande au nord de Strasbourg à, ( peut-être un jour!), la frontière espagnole au sud de Perpignan. Dans cette longue marche, mon attention se porte en premier lieu sur les paysages, leur protection et leur reconquête éventuelle ainsi que sur la biodiversité et sa reconquête.
Toujours dans le Parc naturel régional des Vosges du Nord, je traverse les villages de Wimmenau et d’Eckartswiller puis, à travers les forêts, j’atteins la ville féodale de la Petite Pierre où René Char a trouvé l’inspiration.
Voici le texte de cette vidéo:
Lichtenberg – La Petite Pierre
Lundi 1er mai 2017
Levée dès l’aube, mon sac ficelé, je descends pour le petit-déjeuner mais je me retrouve devant une porte close. Je suis enfermée dans l’hôtel ! La petite mamie n’émerge qu’une heure plus tard. Pour se faire pardonner, elle me sert un breuvage noir en abondance, aussi surprenant que les ressorts de mon lit. Qu’importe ! Je me sens bien ici. D’ailleurs je reste toute la matinée dans ce lieu en attendant que la pluie cesse. Un habitué s’est installé à ma table et nous devisons de choses et d’autres dans un mélange de patois alsacien, d’allemand et de français. Exercice qui me met de fort bonne humeur. Je fais mes adieux puis je pars, non sans mal, à la recherche des rectangles rouges du GR 53. Le sentier détrempé me conduit à travers bois jusqu’à Wimmenau, autrefois propriété des seigneurs de Lichtenberg. Ce village est situé sur la route de Strasbourg à Sarreguemines. On y voit la maison Scherrer, une maison cossue construite au 17ème siècle par des immigrants suisses. Nouvelle plongée dans la forêt où soudain, au détour du chemin, une meute d’une dizaine de chiens, tous plus agités et hurlant les uns que les autres, me fait face. Je me fige promptement, pas très fière, jusqu’à ce que les maîtres, aussi nombreux que les chiens, les rattrapent, et les retiennent par leur collier avec plus ou moins de difficulté. La jeune troupe est joyeuse et m’affirme que ces bêtes sont braves et ne feraient pas de mal à une mouche. A voir. Une averse sévère m’attend sournoisement à la sortie de la forêt et je dois pique-niquer sous ma cape de vélo, abritée par un sapin bienveillant. Il y a eu mieux… Le village d’Erckartswiller totalement entouré de forêts s’étire sans fin le long de la route, exposant ses maisons colorées et ses curieux jardins. Encore une crête en forêt et le gros bourg de La Petite Pierre apparaît sur son rocher avec ses maisons serrées les unes contre les autres.
Le logis de France où je me sens accueillie est un hôtel charmant. A l’heure du dîner, face à l’immense baie vitrée donnant sur la lointaine forêt, j’avale méthodiquement tout ce qui est à portée de main. J’ai faim ! Mon corps mérite cette attention, car dans les derniers kilomètres je me suis entendu dire : « j’en ai plein les bottes ! ». D’ailleurs je viens de déranger le bienveillant pharmacien de garde qui me propose des pansements fabuleux pour les ampoules. Je lui en saurai gré car dès lors je n’entendrai plus parler de mes pieds… Requinquée, j’arpente à petits pas les ruelles de la Städtel ou ville féodale de La Petite Pierre. René Char y a été mobilisé pendant la dernière guerre alors qu’il avait trente-deux ans. Il y a puisé une part de son inspiration.
«Je t’ai montré La Petite-Pierre, la dot de sa forêt, le ciel qui naît aux branches, le pollen deux fois vivant sous la flambée des fleurs, une tour qu’on hisse de loin comme la voile du corsaire, le lac redevenu le berceau du moulin, le sommeil d’un enfant »
René CHAR » Le Nu perdu »
Vauban qui a réalisé ici une place forte s’exprimait plus techniquement : «La Petite-Pierre, l’une des plus petites villes du monde et la plus bizarrement située sur un roc escarpé aux trois quarts de son circuit »
Petite curiosité, selon la Charte Européenne des Langues Régionales ou minoritaires, les rues ont une dénomination bilingue, par exemple la rue des bergers se nomme aussi Hirteneck, textuellement « le coin du pâtre ».
Le Château, résidence des Comtes de Lützelstein, abrite aujourd’hui le siège du Parc Naturel Régional des Vosges du Nord qui, je le rappelle est aussi, avec le Pfälzerwald c’est à dire la forêt du Palatinat qui se situe au nord des Vosges, une Réserve de biosphère transfrontalière de l’Unesco.
Avant de m’endormir, j’entends la poésie de René CHAR dans « Loin de nos cendres »:
«Pour qu’une forêt soit superbe, il lui faut l’âge et l’infini»