30- GR7 Courlon-Tarsul Côte d’Or 6 juin 2017

Written by Claude CAMILLI

30-  Courlon-Tarsul    GR7

Côte d’Or 6 juin 2017

Voici une vidéo retraçant la 30 ème étape d’un cheminement à travers la France, de la frontière allemande au nord de Strasbourg à, ( peut-être un jour!), la frontière espagnole au sud de Perpignan. Dans  cette longue marche, mon attention se porte en premier lieu sur les paysages, leur protection et leur reconquête éventuelle ainsi que sur la biodiversité et sa reconquête.

Lors de cette étape sur le GR7 en Côte d’Or, je poursuis ma marche à travers la région Bourgogne-Franche Comté. J’évoque ici ma rencontre avec chevreuil magnifique, le chanvre et ses incroyables propriétés écologiques, le seigle et l’orge, les îlots de sénescence du site Natura 2000 « Milieux forestiers, pelouses et marais des massifs de Moloy, la Bonière et Lamargelle », les vallées de la Tille et du l’Ignon,  Poiseul-lès-Saulx et Tarsul

Voici le texte de cette vidéo :

Ce matin je quitte seule ce petit coin charmant. Daniel me rejoindra en milieu de parcours. Après un dernier regard sur le village de Courlon et son château et après un léger cafouillage dans la lecture des pancartes- je suis toujours le GR7, le chemin de grande randonnée numéro 7- je m’enfonce dans la forêt humide et moussue qui me protège momentanément des premières gouttes de pluie pour déboucher rapidement, au grand vent, dans les champs et les prairies. Un spectacle magnifique m’y attend : un chevreuil, un jeune mâle bien bâti au pelage roux vif, que je peux approcher de très près car je suis sous son vent. Pas de queue pour ce cervidé,  dont on dit qu’il est « anoure ». Ses bois sont courts et caducs, c’est-à-dire qu’ils tombent chaque année.  Le chevreuil aime les milieux découverts où il profite des cultures printanières et des graminées mais aussi les forêts mixtes, de feuillus et de conifères. Dans cette région il n’a pas de prédateur et il n’est pas rare de le croiser. C’est un herbivore et du coup il contrôle la densité de la végétation au sein de son écosystème : il broute les herbes et les feuilles bien sûr mais aussi, pour marquer son territoire, il se frotte aux troncs des jeunes arbres et les blesse.  Il contribue aussi à l’entretien de zones de clairières et donc à la conservation de la biodiversité de ces milieux.

Au sortir de la forêt, je débouche sur une route qui rejoint Avot et la vallée de la Tille. Dans cette vallée, à Is-sur-Tille, se déroule chaque année le festival international de mots croisés couru par les « cruciverbistes »… Voici donc Avot où je retrouve Daniel qui va m’accompagner  sur quelques kilomètres.

Parlons un peu de chanvre car les panneaux m’y invitent : cette plante annuelle, produit deux sortes de pieds : les mâles de 2 m de haut et les femelles jusqu’à 8 m. Un peu de vocabulaire : le chènevis est le fruit du chanvre, la chènevotte est la partie ligneuse et dure du centre de la tige, la filasse se trouve entre l’écorce et la chènevotte…

Autrefois dans cette région, le chanvre était mis en paquets puis immergé dans les bassins où il trempait une dizaine de jours pour faciliter la séparation de l’écorce d’avec la tige. Cette étape s’appelle rouissage. On extrayait ensuite la filasse qui était broyée, peignée, filée, puis tissée pour la corderie, les voiles de marine et les vêtements grossiers.

Le chanvre présente de nombreux avantages écologiques : c’est une plante particulièrement résistante dont la croissance rapide ne nécessite aucun pesticide,  peu d’entretien et quasiment pas d’irrigation. Mais surtout sa culture s’avère idéale pour préparer la terre à accueillir d’autres plantations. Comme elle est très haute, la plante étouffe les mauvaises herbes, laissant le sol propre. De plus ses racines ramifiées qui évoluent en profondeur permettent un sol meuble, donc facile à travailler pour l’agriculteur.

Cette plante a des propriétés tellement incroyables qu’il faudrait en parler beaucoup plus longuement : alternative aux bois pour la fabrication du papier, au coton pour les vêtements, au pétrole pour le carburant, matériau de construction durable connu pour son isolation des bâtiments, etc.

Longue traversée de forêt où j’aime percevoir la vie à travers le chuchotement des feuilles dans le vent, les subites éclaircies enchanteresses quand les rayons du soleil percent la canopée

J’aime aussi intensément les sorties de forêt, lorsque s’étalent soudainement les étendues de céréales, ici un champ de seigle aux bordures mangées par les bugles violets…
Le vent est un joueur quand il s’engouffre dans les hautes futaies, qu’il souffle sur les nuages ou qu’il glisse sur  les épis de seigle, provoquant l’ondulation d’immensités vertes, telles des océans de verdure.

Je suis en vue du village de Poiseul-lès-Saulx où les habitants, absents pour l’heure, n’ont pas manqué d’humour quand ils ont baptisé la « Grande Rue » tout aussi déserte que l’impasse du « Petit-cul de Sac ». Daniel m’y attend, qui a garé le petit bus à côté de l’église et du four à pain qui sert maintenant d’abri pour le cheminot.

Après un casse-croûte bienvenu, avalé au chaud dans le California, nous repartons tous les deux à travers la campagne, longeant ce champ d’orge, qualifiée parfois d’ « herbe à chat », dont les épis aux longues barbes s’inclinent doucement au vent. Cette plante, rustique elle aussi, sert essentiellement à l’alimentation animale et à la production de malt qui donne la bière ou le whisky quand on le fermente…

Au pied des haies, les folâtres graminées bordent le chemin, mêlant leur pâleur aux riches nuances de verts, rehaussant paradoxalement, comme ici, la blondeur des prés.

Petit coléoptère vert aux taches dorées, quel est donc ton nom ?

Pour rejoindre Tarsul, le but de cette journée, je dois dévaler quelques combes dans la forêt domaniale de la Bonière puis poursuivre sur un vaste plateau par de larges pistes herbeuses, rectilignes, où je surprends au loin un deuxième chevreuil, qui, à peine entrevu, disparaît de ma vue en rapides bonds craintifs. Je prends le temps d’observer les ballets des libellules. A l’extrémité du plateau qui domine la vallée de l’Ignon où niche le village de Tarsul, la roche calcaire affleure laissant place à des fleurs aux couleurs tendres comme ces petits œillets sauvages. Je suis sur le site Natura 2000 « Milieux forestiers, pelouses et marais des massifs de Moloy, la Bonière et Lamargelle » où les forestiers laissent s’installer des « îlots de sénescence » dont l’objectif est de permettre à un ou plusieurs arbres d’assurer un cycle de vie complet, de la graine à sa décomposition complète au sol.

Le principe est de sélectionner un espace riche en arbres vétérans ou vieillissants et d’y exclure toute exploitation forestière pendant au moins 30 ans, afin de favoriser le retour de la biodiversité. C’est que ces arbres abritent toute une vie primordiale. Les chouettes, les pics nichent dans les cavités d’arbres sénescents. Plus de 2000 espèces d’insectes vivent sous les écorces décollées ou dans des fissures. Des mammifères comme les chauves-souris, en plus de se loger, se nourrissent de ces insectes. Les cavités au pied des arbres et le bois mort à terre abritent des amphibiens tels que la salamandre, des reptiles comme l’orvet, de petits mammifères comme les martres et les mulots. Beaucoup d’espèces végétales ne se développent que sur du bois âgé ou mort comme les champignons, les mousses, les lichens…

Voici l’Ignon, affluent de la Tille, dont les eaux finiront dans la Saône puis le Rhône.
Et voici les ruelles de Tarsul.

Je retrouve Daniel et nous rejoignons en petit bus la ville d’Is-sur-Tille où nous sommes touchés par la longue liste de noms inscrits sur le monument aux morts, soldats des Etats-Unis morts pour la France des suites de leurs blessures à l’hôpital américain.

Puis nous nous mettons en recherche d’un camping que nous finissons par trouver au bord de la départementale 974, camping « Les sapins », sans véritable charme…

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