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Vosges du Sud
Dambach-la-Ville – Châtenois
19 septembre 2017
Voici une vidéo retraçant la onzième étape d’un cheminement à travers la France, de la frontière allemande au nord de Strasbourg à, ( peut-être un jour!), la frontière espagnole au sud de Perpignan. Dans cette longue marche, mon attention se porte en premier lieu sur les paysages, leur protection et leur reconquête éventuelle ainsi que sur la biodiversité et sa reconquête.
Toujours sur le GR5 , je reprends ma route là où je l’avais laissée 6 mois plutôt. Lors de cette étape, je découvre la chapelle Saint-Sébastien, les châteaux de Bernstein et d’Ortenbourg, le site biologique protégé du massif de l’Ortenbourg et Châtenois.
Voici le texte de cette vidéo:
Mardi 19 septembre 2017
A Saint-Just, j’attrape le funiculaire à la volée pour sauter dans le TGV de 8 h 33 : direction Strasbourg. La météo du jour prévoit des averses mais pour l’heure, un rayon téméraire déjoue cette prévision en se jetant dans la Saône qui l’accueille, câline. Il éclaire maintenant un paysage agricole familier, prés et champs barrés au loin par une rangée sombre de feuillus d’où émergent de loin en loin des peupliers élancés.
Entre Beaune et Nuits-Saint-Georges, brutalement le train ralentit. Le conducteur fait une annonce au micro : il vient de recevoir l’ordre de rouler très prudemment. Un rail de la voie est cassé ! Est-ce possible ?!
« Retard de 27 min, merci de votre compréhension ! Retard provoqué en partie par ce rail, insiste-t-il en partie par un voyageur nécessiteux, nécessitant l’intervention des forces de l’ordre et celle des pompiers. » Empathie oblige, pas question de râler. Ma correspondance à Strasbourg est ratée mais un TER pépère me transporte aimablement de village en village jusqu’à Dambach-la-Ville, là même où j’avais terminé mes dix jours de marche dans les Vosges du Nord.
Comme promis en mai dernier, j’entre dans la boutique de souvenirs pour saluer la vendeuse à qui j’avais acheté une bouteille de vin destinée à Laurent pour son anniversaire. Indispensable aussi l’arrêt suivant : petit café dans le restaurant où, trempée par la pluie, j’avais trouvé refuge.
Sous son nid magnifique qu’elle a dû habiter tout l’été, une cigogne a blanchi le toit de la Grendeltor, l’une des trois portes de la ville datant du 14ème siècle. Je quitte Dambach vers 15 h et grimpe rapidement à travers les vignes d’où s’élèvent des chants: on vendange gaiement dans le secteur, cueillant les grappes de Sylvaner, un raisin clair poussé sur un sol de granite qui produira des vins fruités et frais, excellents pour accompagner les fruits de mer.
Etonnante chapelle Saint-Sebastien avec son clocher roman, classée monument historique et propriété de 32 familles de Dambach-la-ville réunies en confrérie. Cet autel, baroque, est sculpté dans des bois de tilleul et de poirier, chef d’œuvre de deux frères originaires d’Allemagne. Ces crânes d’un ossuaire nous interpellent : « Ce que vous êtes nous l’étions, ce que nous sommes vous le deviendrez ».
Plénitude, sérénité, joie profonde devant ces paysages: je sais pourquoi je suis là !
Dans la forêt, j’observe d’un œil neuf les hêtres et les sapins et « leur vie secrète ». La lecture du livre de Peter Wohleben m’a ouvert des horizons insoupçonnés. Par exemple je peux constater la difficulté des épicéas à se frayer un chemin vers le ciel au milieu d’une forêt de hêtres florissante. Je rejoins le chemin de crête, le sentier des bornes, et retrouve le GR 5 que j’avais abandonné en mai puis atteins le Kaessmarkt, le « marché aux fromages », lieu où, d’après la tradition, les habitants du Val de Villé auraient déposé des vivres pour ceux de Dambach-la Ville, en 1343, alors que ce village était décimé par la peste noire et que personne n’osait y pénétrer.
J’atteins les ruines du château de Bernstein qui domine Dambach, château construit vers 1200 par les puissants comtes d’Eguisheim. Son donjon est pentagonal. D’ici, de la basse-cour s’élèvent le logis et la tour renfermant une chapelle.
Je traverse maintenant le site biologique protégé du massif de l’Ortenbourg, le changement d’atmosphère est net avec l’arrivée des pins et des bruyères. Soudain se découvre à travers les houppiers des pins l’incroyable donjon du château d’Ortenbourg, haut de 35m.
J’en ai le souffle coupé. Ce château est la plus remarquable illustration alsacienne de l’art de la fortification du 13ème siècle. Son donjon est protégé par une chemise percée de meurtrières à niche.
La vue sur la plaine d’Alsace est absolument superbe. J’en ai le cœur en fête ! Et maintenant je descends joyeusement dans une forêt de toute beauté puis je traverse la route du sel, la via Salinaria qui allait de Lorraine en Allemagne.
Dernier regard sur le château avant de traverser une zone de ripisylve envahie par la Renouée du Japon, plante invasive comme on le sait. J’arrive enfin à Châtenois, Keschtaholz en dialecte alsacien, à l’origine lieu planté de châtaigniers. Ce village pimpant est plein de charme. En 1879, suite à une imprudence, un incendie a pris dans des dépendances et a ravagé le quart de la ville réduite en cendres.
Je prends mes quartiers dans ce charmant hôtel typiquement alsacien avant de me diriger vers le restaurant voisin où on me sert un jambon braisé au Riesling et une tarte aux quetsches à la cannelle, le tout arrosé d’un verre de succulent Pinot Gris.
Petite anecdote pour finir cette journée : ce soir j’apprends par Daniel que Gérard, à New York au coin d’une rue, a croisé le Président Macron et lui a serré la main… Pur hasard de la vie…