Download this article as an e-book
Reconquête de friches militaires
à Grenoble (Isère)
Un écoquartier de haute qualité paysagère pour densifier la ville
Famille: paysages urbains et périurbains
Aspects pratiques
Organismes
- Maîtrise d’ouvrage : Ville de Grenoble
- Initiateur : Michel Gibert, responsable Développement durable de l’OPAC 38
- Porteur politique : Pierre Kermen, adjoint en charge de l’urbanisme et Président de la Société d’Economie Mixte, SEM SAGES de 2001 à 2008
Historique
- 1994 : abandon par les militaires de la caserne de Bonne, soit un terrain de 8,5 ha de friches militaires inaccessibles aux Grenoblois
- 2000 : marché de définition puis concours d’urbanisme lancés par la ville de Grenoble
- 2002 : proposition de l’équipe de l’urbaniste Christian Devillers retenue
- 2003 : concours pour l’aménagement paysager ; candidature de Jacqueline Ostie, paysagiste, retenue
- 4 nov. 2009 : obtention par la ville de Grenoble du Grand Prix National des écoquartiers pour la Zone d’Aménagement Concerté, la ZAC de Bonne, lors de la 1ère conférence pour la ville durable
Qu’est-ce qu’un écoquartier ?
25 May 2007, Beddington, London, England: “Les écoquartiers doivent permettre des performances énergétiques et environnementales fortes dès la construction de leurs bâtiments. Né en Europe préconisé dans le cadre du Grenelle de l’Environnement, le concept d’écoquartier prend en compte l’utilisation de l’eau et notamment la récupération de l’eau de pluie, le tri et le recyclage des déchets, le maintien de la biodiversité et des espaces verts, l’accès aux transports et l’attention à la mixité sociale, tout en mettant l’accent sur le développement économique*. Isolation, énergie solaire,” (Florian Martin du 22 Novembre 2009, paru dans Construction Ecologique du Nord et végétalisation de l’espace, économie d’eau et d’électricité et récupération de chaleur sont ses maîtres mots. )
*On peut être critique devant une telle définition qui insiste sur la nécessaire croissance économique.
L’intervention
Le contexte: nécessité absolue de densifier!
Avec ses 560 000 habitants, Grenoble est confrontée à la problématique de l’étalement urbain.
Or une vaste zone située en plein cœur de la ville n’est plus occupée depuis 1994. Il s’agit de la caserne de Bonne, ancienne propriété de l’armée, d’une superficie de 8,5 ha, qui se situe à la jonction de quartiers très différents : les grands boulevards (1920), le parc Hoche créé en 1981, d’une superficie de 4 ha, déjà créé sur l’emplacement d’une ancienne caserne, et le quartier Championnet qui date du 19ème siècle. C’est la dernière vaste zone mutable au sein du centre historique. La Ville de Grenoble acquiert cette caserne et lance, avec le Ministère de la Défense, un marché de définition dont le but est de définir les besoins de la collectivité pour l’aménagement de ce site qui permettra à la ville de se densifier.
La collectivité et ses élus s’investissent depuis plusieurs années pour faire de Grenoble une ville durable.
Par ailleurs, il est nécessaire de rééquilibrer le logement social qui est essentiellement concentré dans le sud de la ville. Tendre vers davantage de mixité sociale dans le centre de la ville devient impératif.
C’est dans ce contexte que le projet d’un écoquartier voit le jour en 2003, grâce notamment à l’initiative de Michel Gibert, responsable Développement durable de l’OPAC 38 ainsi qu’à l’engagement des élus, particulièrement de Pierre Kermen (adjoint en charge de l’urbanisme jusqu’en mars 2008). Ce projet d’écoquartier a donc été conçu avant le Grenelle de l’Environnement.
Vue depuis le jardin Hoche, avec une pelouse modelée pour stocker les eaux pluviales.
Perrine Flouret de la Ville de Grenoble, note que, dès le début, il s’est construit grâce à une étroite coopération entre tous les intervenants : urbanistes constructeurs, syndicats et associations de quartier ainsi que les Grenoblois.
Remarquons que ce projet a recours à une ingénierie technique importante et qu’il n’aurait pas vu le jour sans le soutien financier du Conseil Régional de Rhône-Alpes, de l’ADEME, de la communauté d’Agglomération de Grenoble et sans les importantes subventions de la Commission européenne, s’élevant à 1,8 million d’euros : Concerto SESAC (Sustainable Energy Systems in Advanced Cities) est un programme européen, initié en 2003, qui soutient le développement de la maîtrise de l’énergie et des énergies renouvelables dans les collectivités à travers l’Europe. Les objectifs de ce programme sont particulièrement élevés en termes de performance énergétique.
La description de l’intervention
Cet écoquartier de 8,5 ha va comporter :
• 850 logements, dont 35 % de logement locatif social affiché
• Une galerie commerciale
• Un pôle d’activités tertiaires de bureaux et de services, des restaurants, un hôtel
• Un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes
• Une résidence étudiante
• Un cinéma d’art et d’essai
• Une école élémentaire bioclimatique de 17 classes, dotée d’une structure en bois
Ainsi que 5 hectares de parc urbain et de jardins.
L’économiste Catherine Charlot-Valdieu convient que ce projet est innovant car il se fixe pour objectifs :
– une accessibilité aux personnes à mobilité réduite,
– des performances énergétiques,
– une gestion environnementale du chantier,
– des espaces publics importants et de qualité conciliant densité et qualité du cadre de vie
– la continuité de la chaîne des acteurs et la formation des compagnons et personnels des entreprises de construction,
– l’évaluation et le contrôle des performances dans le projet, c’est-à-dire une démarche de résultat telle qu’elle a été confortée par les débats du Grenelle de l’environnement.
Il s’appuie sur les principes d’écoconstruction suivants:
– isolation par l’extérieur et menuiseries très performantes (double vitrage à lame d’argon, un gaz inerte améliorant les performances thermiques),
– approche bioclimatique avec des dispositifs passifs limitant les apports de solaire en été et les favorisant en hiver : morphologie des passées de toitures, des balcons, serres et loggias, végétalisation des terrasses et pergolas,
– mise en œuvre d’une ventilation double flux avec récupération de chaleur,
– utilisation d’équipements économes en électricité dans les parties communes.
Il utilise les ressources du site, soleil et nappe phréatique :
– rafraîchissement sur eau de nappe, associé à un chauffage par le sol réversible, rendu possible par la présence d’une nappe phréatique à faible profondeur et à température constante, ceci pour les logements,
– capteurs solaires thermiques pour la production d’eau chaude sanitaire,
– électricité photovoltaïque alimentant les pompes nécessaires au rafraîchissement d’été. (D’après Marc Facchinetti (Master Urbanisme 2005-06))
Quelques chiffres :
L’objectif des besoins en chauffage des bâtiments est de 50kWh/m2/an, soit près de4 fois moins que la consommation moyenne. Les panneaux solaires eau chaude sanitaire ;la zone commerciale est dotée de 1 000 m² de panneaux photovoltaïques. thermiques produisent 45% des besoins en
Un bâtiment à énergie positive (produisant plus d’énergie qu’il n’en consomme) de 1 600 m² accueille des bureaux.
(D’après Florian Martin du 22 Novembre 2009, paru dans Construction Ecologique)
Chaque bâtiment est pourvu d’une chaudière micro-cogénération qui permet de couvrir ses besoins en électricité ainsi que la moitié de ses besoins en terme de chauffage. (La micro-cogénération permet la production simultanée de chaleur et d’électricité. Au lieu de brûler le carburant pour simplement chauffer la maison ou de l’eau, une partie de l’énergie est convertie en électricité.)
Mercredi 4 novembre 2009, à l’occasion de la 1ère conférence pour la ville durable, Grenoble s’est vu remettre le Grand Prix national EcoQuartier pour la ZAC (Zone d’Aménagement Concerté) de Bonne. La ZAC de Bonne « se distingue comme un quartier durable exemplaire, porteur d’excellence globale, répondant aux enjeux du développement durable et illustrant l’esprit du Grenelle de l’Environnement », ont estimé les membres du jury.
Les objectifs
Outre les objectifs précédemment cités et propres à tout écoquartier, cette reconquête, en redensifiant le centre-ville, participe à la lutte contre le mitage du paysage et l’étalement urbain. Densifier les centre-villes devient un objectif prioritaire.
Par ailleurs, par la mise en valeur des éléments architecturaux et naturels remarquables de ce quartier chargé d’histoire, par l’ouverture d’une grande esplanade dans le prolongement du parc Hoch, par l’aménagement d’espaces publics et de jardins en lien avec la ville, ce nouveau quartier reconquiert une qualité paysagère qu’il ne connaissait plus.
D’après Marc Facchinetti (Master Urbanisme 2005-06) :
– Mettre en oeuvre une démarche d’accessibilité pour tous et de haute qualité environnementale.
– Aménager un espace chargé d’histoire, en privilégiant les éléments architecturaux et naturels remarquables.
– Contribuer à la diversité du logement, en privilégiant notamment l’offre à destination des familles.
– Répondre aux besoins actuels et futurs en matière d’équipement, en favorisant la vie sociale, éducative, sportive et culturelle.
– Favoriser l’activité et le commerce, avec de nouvelles activités tertiaires, artisanales et commerciales.
– Créer des espaces publics en lien avec la ville, en favorisant le confort, la qualité et l’accessibilité.
– Proposer des déplacements dans le cadre du plan de déplacements urbains, en rééquilibrant la place de chaque mode de déplacement.
Les retombées
Pierre Kermen lui-même précise :
« La ZAC de Bonne s’inscrit dans un système en transition ». Il ne s’agit pas « de placer cette opération comme un objectif à atteindre, mais bien comme une base sur laquelle s’appuyer pour élaborer des quartiers qui iront beaucoup, beaucoup plus loin ».
Pierre Kermen ajoute qu’il serait nécessaire d’établir « un bilan carbone global ainsi qu’un bilan de la qualité des matières utilisées et de leur énergie grise » (énergie qui prend en compte le plus possible de facteurs relatifs à la fabrication, à l’usage et au recyclage du produit).
Il est possible d’être critique…
Écoutons ce que nous disent Catherine Charlot-Valdieu et Philippe Outrequin :
« C’était ce que l’on pouvait faire de mieux en France il y a 5 ans. Il faut rappeler cependant que les projets des quartiers Viikkii en Finlande ou Kronsberg en Allemagne, lancés près de 5 ans avant la ZAC de Bonne, sont allés beaucoup plus loin (sur l’énergie, l’eau, la place de la nature, etc.) »
[…] « En conclusion, nous dirons qu’aujourd’hui il ne faut pas considérer la ZAC de Bonne comme un bon exemple de projet d’écoquartier mais qu’il est important de faire comprendre aux élus qu’il est indispensable qu’ils (s’) investissent dans l’ingénierie économique, juridique et technique plutôt que d’aller visiter la ZAC de Bonne ou de vouloir copier son cahier des charges. Aujourd’hui il s’agit de mettre en oeuvre les avancées et résultats du Grenelle de l’Environnement… »
Analyse de projets de quartiers durables en Europe, Catherine Charlot-Valdieu et Philippe Outrequin, Edition La Calade, 2004.
Ecoutons également Emmanuel Bucki, Urbaniste durable, cabinet d’architecte urbaniste Tekhnê à Lyon:
« Si l’ambition de la France est de devenir le pays moteur et précurseur de l’urbanisme durable, ce qui serait une heureuse nouvelle, elle devra au préalable se donner des objectifs à la hauteur de ses ambitions. C’est à dire des objectifs qui, a minima, prennent d’un bloc en compte, de manière équilibrée, les enjeux sociaux, économiques, les enjeux des milieux naturels et surtout de gouvernance. Les opérations tant observées dans les pays scandinaves ne sont pas issues des prix de leurs ministères respectifs, mais de la volonté des usagers locaux des quartiers (habitants, chalands, etc.). Le principe de la participation citoyenne va à l’encontre de l’acceptation centralisée de l’urbanisme véhiculée actuellement par l’État français. Ce dernier préfère manifestement investir plus d’énergie que de raison dans le Grand Paris, oubliant que 50 millions de français ont peut être d’autres priorités… Heureusement, un club opérationnel composé des Lauréats écoquartiers va élaborer pour 2011 ou 2012 un référentiel (en tout cas un ensemble de recommandations) encadrant les exigences minimales d’un tel quartier, c’est un premier pas.
A nous désormais, en participant à nos projets de villes, de rappeler quels seraient nos quartiers idéaux! »
« La ZAC de Bonne n’est pas un objectif, mais une base pour les projets de demain »
Emmanuel Bucki, nov. 2009, sur son blog « Le rêve d’un Quartier Durable »
Lisons enfin la dure mais salutaire critique de Pierre Mazet qui parle de pseudo « écoquartier » ayant pour « fonction : le développement durable de l’industrie.
À quoi bon vivre dans des logements HQE si l’on ne s’attaque pas aux sources majeures de gaz à effet de serre que sont l’industrie, les transports, l’agriculture et l’élevage industriel ?
Il s’agit en réalité d’économiser l’énergie vitale au système de production et de consommation. L’urbanisme vert préserve l’environnement pour le développement. Notre civisme étant une soupape afin que tout continue. S’en prendre uniquement au logement, c’est absoudre la politique économique des industriels et des décideurs qui nous a amenés à cette catastrophe. Ni un quartier, ni une ville écolo ne résoudront le problème du réchauffement climatique. Autant équiper une centrale nucléaire d’ampoules basse consommation. »
Caserne de Bonne : quand les verts fabriquent la ville de leur rêve. Un pavé dans la vitrine. Pierre Mazet & T’as vu ta ville, mai 2008
Sources
– Perrine Flouret de la Ville de Grenoble
– Article du 5/11/2009 d’Emmanuel Bucki dans son blog « Le rêve d’un Quartier Durable », article intitulé « La ZAC de Bonne n’est pas un objectif, mais une base pour les projets de demain »
– Le Moniteur : article du 04/11/2009 de
– Institut d’aménagement régional, fiche élaborée par Marc Facchinetti (Master Urbanisme 2005-06)
– Le Moniteur : article du 10/11 2009 de Catherine Charlot-Valdieu et Philippe Outrequin, fondateurs de l’association SUDEN pour la promotion du développement urbain durable et auteurs d’ouvrages sur l’urbanisme durable
– Construction Ecologique : article du 22/11/2009 de Florian Martin
– Pièce et main d’œuvre : article du 25 mai 2008, de Pierre Mazet & T’as vu ta ville, intitulé Caserne de Bonne : quand les verts fabriquent la ville de leur rêve. Un pavé dans la vitrine.
Les photos sont de Aktis architecture
Perspective sur le futur jardin des Vallons et l’opération mixte de résidences séniors et centre d’art et d’essai (architecte : Aktis architecture / promoteur : Icade). Conçu comme une promenade au bord de l’eau, cet espace public sera aménagé courant 2010.
Partenaires techniques
Aménageur :
- SEM SAGES, Société d’Economie Mixte d’aménagement de la ville de Grenoble, chargée de coordonner
- les projets des constructeurs.
- Marché de définition (2002) :
- Christian Devillers, urbaniste (mandataire).
- Architecte en chef de la ZAC et maîtrise d’œuvre espaces publics :
Loïzos Savva, architecte-urbaniste, agence Aktis Architecture.
Assistant à Maîtrise d’Ouvrage : Olivier Sidler, Enertech, BET thermique.
Assistant HQE, haute qualité environnementale, Diagnostic et étude du site : Patrick Martin, directeur de l’agence Terre Eco.
Maîtrise d’œuvre parc : Jaqueline Osty, paysagiste.
OPAC 38 : Michel Gibert.
Ville de Grenoble : Perrine Flouret.
SEM GEG société d’économie mixte Gaz Electricité de Grenoble, maître d’ouvrage et exploitant portant les projets des micro-cogénérations et de la centrale solaire.
Partenaires financiers
- Conseil Régional de Rhône-Alpes
- ADEME
- Communauté d’Agglomération de Grenoble
- Programme européen Concerto SESAC
Personnes ressource
- Perrine Flouret, Ville de Grenoble
- SEM SAGES
Pour en savoir plus
- – Site du MEEDDAT sur les écoquartiers : http://www.ecoquartiers.developpementdurable.
- – gouv.fr/
- – Site du projet de Bonne: http://www.debonne-grenoble.fr/
- – Site de la Ville de Grenoble: http://www.grenoble.fr/
- – Site du Programme Concerto SESAC : http://www.concerto-sesac.eu/
- – La Revue Durable, numéro 28 (février – mars – avril 2008)
- – blog d’Emmanuel Bucki « Le rêve d’un Quartier Durable »,